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LETTRES DE LA REINE DE NAVARRE.

bret vingt-quatre. Ils eurent pour fille Jeanne d’Albret, mère de Henri IV. Avant que Marguerite fût mariée au duc d’Alençon, Charles-Quint, qui n’était alors que roi d’Espagne, envoya des ambassadeurs la demander en mariage ; et, long-temps après, lorsqu’il fut question des conditions de la délivrance de François Ier, il parla de nouveau de la main de Marguerite, en disant qu’on trouverait un autre parti pour le connétable de Bourbon. Cela montre que ni l’empereur ni le connétable n’avaient abandonné leurs anciennes prétentions sur Marguerite, et que la reconnaissance de Charles pour Bourbon n’allait pas jusqu’à lui sacrifier ce point. Le connétable de Bourbon avait été épris de Marguerite, et il l’était encore après la bataille de Pavie, lorsque la duchesse d’Alençon fut devenue veuve. À cette même époque, François Ier échoua dans ses projets de la marier avec Henri VIII d’Angleterre. L’évêque de Tarbes, Gabriel de Grammont, qui passait pour un habile négociateur, fut envoyé à Londres avec des instructions secrètes, d’après lesquelles il devait exploiter l’éloignement de Henri VIII pour Catherine d’Aragon, amener ce prince au divorce, et l’engager à jeter les yeux sur la sœur du roi de France. L’évêque, dit M. Génin, ne réussit qu’à moitié ; Henri divorça, mais ce fut pour épouser Anne de Boulen, naguère attachée au service de la duchesse d’Alençon.

Il faut compter au nombre des adorateurs de Marguerite l’amiral Bonnivet, tué à la bataille de Pavie ; mais celui-ci, qui avait été repoussé, s’y prit, pour réussir, d’une manière qui rappelle singulièrement certains détails d’un procès célèbre et encore récent. Marguerite a raconté elle-même sous des noms supposés le guet-apens qui lui fut tendu ; elle a intitulé ainsi une de ses Nouvelles :

Téméraire entreprise d’un gentilhomme contre une princesse de Flandres, et la honte qu’il en reçut. (Tome I, nouvelle IV.)

« Il y avait en Flandres une dame de la meilleure maison du pays, veuve pour la seconde fois et n’ayant jamais eu d’enfants. Durant son veuvage, elle se retira chez son frère, qui l’aimait beaucoup et qui était un fort grand seigneur, étant marié à une des filles du roi… Il y avait à la cour du prince un gentilhomme qui surpassait tous les autres courtisans en taille, en beauté et en bonne mine. Ce cavalier, voyant que la sœur de son maître était une femme enjouée et qui riait volontiers, crut qu’il devait tenter si un amant honnête homme serait de son goût. Mais il trouva le contraire de ce que l’enjouement de la belle veuve lui faisait espérer… Sa passion augmentant avec le temps,… il n’eut point recours aux paroles, car l’ex-