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DU MOUVEMENT PHILOSOPHIQUE.

C’est là que les querelles religieuses du Languedoc ont eu leur principal foyer ; Toulouse même conserve encore en manuscrit les lettres de Basville, qui retracent les derniers temps de cette longue agonie du nouveau manichéisme. Cette ardeur pour les questions religieuses a beaucoup diminué depuis que la ville presque tout entière est habitée par des catholiques ; cependant le protestantisme est campé tout à l’entour, à Montauban, à Castres, à Sainte-Foix ; et si la querelle se ranimait, Toulouse pourrait encore produire des théologiens, des inquisiteurs et des hérésiarques. Quant à la grande école de jurisprudence qui a produit Cujas, elle n’est guère plus aujourd’hui qu’un souvenir. La ville de Montpellier au contraire conserve encore son école de médecine dans tout son éclat, et c’est ce qui lui donne une importance et une destination particulière parmi toutes nos villes méridionales. Son école n’est pas seulement une école spiritualiste ; elle représente le spiritualisme dans le monde médical C’est une vieille et glorieuse tradition qui a long-temps régné dans la science, et qui, aujourd’hui abandonnée presque partout, se ravive au moins dans le foyer d’où elle est partie, et y devient d’autant plus chère à ses derniers défenseurs, qu’ils la sentent attaquée et menacée. M. Lordat y succède avec honneur à la tâche glorieuse des Sauvage, des Bordeu, des Lacaze, des Barthez, des Leroi, des Lamure, et s’efforce de lutter contre la déplorable prédominance de l’école matérialiste de Paris. M. Lordat est un philosophe ; son Exposition de la doctrine de Barthez atteste des qualités philosophiques d’un ordre très distingué. Tout récemment, il a donné avec la collaboration d’un de ses meilleurs disciples, M. Caizergues, une exposition générale de la doctrine de Montpellier. À Montpellier appartenait aussi l’adversaire de Cabanis, l’auteur des Nouveaux rapports du physique et du moral de l’homme, M. Bérard. Vitaliste modéré comme M. Lordat, il se bornait à soutenir l’insuffisance des méthodes empiriques, et la nécessité d’une distinction entre les phénomènes physiques et les phénomènes physiologiques. Le matérialisme a pénétré dans la place ; il y a son représentant, l’auteur des Lettres sur l’encéphale, M. Lallemand. Le professeur de philosophie à Montpellier peut s’inspirer des souvenirs de Maine de Biran, qui y a étudié la physiologie. C’est à lui de renouveler en la continuant la tradition spiritualiste de Barthez et de Stahl, d’élever cette tradition au niveau de la science physiologique et médicale de notre siècle, et de s’unir enfin avec l’école psychologique dans un intérêt commun contre le matérialisme médical de Broussais et de Magendie.