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LETTRES DE CHINE.

armes et des provisions pour l’homme fort et vaillant ; le paysan, habitué à manier la charrue, l’échangera contre une lance, et quand nous serons ainsi réunis plusieurs centaines de milliers d’hommes forts et alertes, quelle difficulté aurons-nous à vous couper par la racine ? Nous vous attaquerons par terre et par eau, et pourquoi craindrions-nous parce que vos vaisseaux sont forts et bien armés ? Nous ne voulons pas qu’il reste sur notre terre l’ombre d’un seul rebelle ; nous ne permettrons pas qu’un seul de vos navires infernaux aille raconter vos désastres. Alors, seulement alors, nous nous arrêterons.

« Quand cette déclaration vous parviendra, ne cherchez pas tous à échapper à notre colère, mais choisissez vous-mêmes le jour qui vous paraîtra le plus heureux, et vous nous trouverez sur le champ de bataille. Nous vous donnons ce défi comme une preuve de notre désir de vous combattre. Rappelez-vous que, si Elliot avait tardé un seul instant, il ne serait pas retourné vivant à bord de son navire. C’est le kwang-choo-foo seul qui l’a sauvé. »

Il y a beaucoup de jactance, il faut le dire, dans cette déclaration des paysans chinois, mais cette jactance même n’était pas sans danger pour les Anglais ; la conclusion la plus importante qu’on puisse tirer de la lecture de ce document est, d’ailleurs, que le désir évident des plénipotentiaires anglais de se concilier le peuple avait échoué, et que la population chinoise n’est pas aussi dépourvue d’énergie qu’on l’a représentée. Cette énergie dort encore, mais elle peut se réveiller ; les peuples laborieux ne sont pas ordinairement lâches.

Si vous voulez, monsieur, avoir une idée de la poésie chinoise, et en même temps juger les sentimens de la nation d’après la voix du peuple, voici une pièce de vers que je traduis de l’anglais du Chinese Repository du mois de septembre dernier. Ces vers font allusion au combat de Canton et au soulèvement des paysans :

Les Anglais barbares ont excité des désordres,
Foulant aux pieds les principes les plus sacrés.
Le troisième jour de la quatrième lune,
Ils eurent l’audace d’attaquer la cité de Rams (Canton).
Le dieu du nord, déployant sa puissance,
Fit échouer sur les roches cachées un vaisseau ennemi ;
Ensuite, en cherchant à renverser le fort de Neishing,
Leurs vaisseaux de guerre ont touché sur le sable,
Et les soldats du démon ont été mis en déroute.
Le sixième jour de la même lune (26 mai),
Des flèches de feu furent lancées dans la ville,
Et un seul canon tonna même trois fois.
Il tomba du ciel une pluie rouge,
Et le feu des canons fut éteint.
Les villageois du nord de la cité
Chassèrent courageusement l’ennemi devant eux ;