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LETTRES DE CHINE.

sitôt que l’ennemi fut parti, et ils se vantèrent hautement auprès de leur gouvernement d’avoir délivré Amoy par la force des armes, à la suite d’un grand carnage des barbares.

En quittant Amoy, l’expédition se dirigea aussitôt vers Chusan, qui fut reprise le 1er  septembre, et la ville de Ting-hae fut de nouveau occupée par une garnison anglaise. Pendant l’année qui avait séparé les deux occupations, les Chinois avaient fait à Ting-hae de grands préparatifs de défense ; des canons fondus à Ning-po y avaient été envoyés. Mais tout cela fut inutile ; le débarquement des troupes étrangères mit bientôt fin à une résistance que les Anglais prétendent avoir été beaucoup plus opiniâtre que celle qu’ils avaient éprouvée jusque-là. Un officier porte-drapeau et cinq soldats anglais furent tués dans cette affaire ; malgré leur retraite précipitée, les Chinois laissèrent quatre à cinq cents hommes sur le terrain. Le mandarin supérieur s’était enfui la veille de l’action, laissant ses soldats sans chef. Il avait cependant écrit à Pékin qu’il y enverrait un matelas fait de peaux d’Anglais. Il paraît qu’après l’évacuation des Anglais en 1840, les nombreux cadavres des soldats qui avaient été victimes du climat et de la mauvaise nourriture furent déterrés ; et que leurs ossemens furent envoyés comme trophées dans l’intérieur de la Chine.

Peut-être trouverez-vous extraordinaire, monsieur, que les chefs de l’expédition anglaise aient porté de nouveau leurs armes vers Chusan, et qu’ils aient laissé une nouvelle garnison sur cette terre qui, l’année précédente, avait servi de tombeau à un si grand nombre de leurs compatriotes. Mais cette opération me semble avoir été dictée par les circonstances. L’archipel de Chusan est le dernier point, en remontant la côte de Chine, où les Anglais puissent s’arrêter. C’est là qu’ils devront établir le dépôt des forces qui auront à agir contre la province de Pechili. Je vous ai déjà parlé des avantages commerciaux de la situation ; dans les circonstances où se trouvait l’expédition, les avantages militaires de l’île offraient une bien autre importance. On était persuadé, d’ailleurs, que l’effrayante mortalité de l’année précédente devait être attribuée plutôt à la mauvaise qualité des alimens qu’à l’influence du climat, et on s’était prémuni contre cette éventualité. L’armée anglaise trouva à Chusan de grands approvisionnemens de riz, comme si les Chinois les eussent préparés pour elle. Ces grains furent vendus à la population chinoise et servirent de monnaie courante pour acheter les provisions dont l’armée avait besoin. Toutes les armes qui furent trouvées dans les magasins du gouvernement furent détruites, à l’exception de vingt ou vingt-cinq canons de bronze, qu’on embarqua sur les navires de l’expédition.

Le 5 septembre, la plus grande partie des navires anglais quitta l’île de Chusan, et, traversant le bras de mer qui la sépare du continent, elle se dirigea vers l’embouchure de la rivière sur laquelle est située la ville de Ning-po. Peu d’heures après, la corvette la Danaïde était sur leurs traces. Un peu avant la nuit qui suivit ce jour, elle était en vue de l’escadre anglaise mouillée près de l’île Tseih-tsge-ma. En contournant une pointe auprès de laquelle un