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ses pertes de l’année précédente ; le commerce de Bombay, celui de l’Inde entière, commencent à ressentir le contre-coup de la crise de Canton.

En 1841, des négociations s’ouvrent au Bocca-Tigris ; un traité préliminaire est signé et désapprouvé hautement par les deux gouvernemens respectifs. Les forts qui défendaient l’entrée de la rivière tombent tour à tour au pouvoir des Anglais. Une trève a lieu, pendant laquelle on se prépare de part et d’autre à des hostilités qui deviennent chaque jour plus imminentes. Les Chinois, qui ont toutes leurs ressources pour ainsi dire sous la main, sont plus tôt prêts que les Anglais. Ils rompent l’armistice. Le pavillon britannique flotte bientôt sur toutes les défenses extérieures de la ville de Canton, qui paie une rançon de 36 millions de francs, rançon qui n’entre même pas dans le trésor de l’Angleterre ; car la somme, sauf quelques déductions, est partagée plus tard entre les troupes de terre et de mer qui ont assisté à cette affaire. Une nouvelle convention est conclue ; les navires de guerre anglais se retirent en dehors de Bocca-Tigris, et un commerce tout-à-fait désavantageux pour l’Angleterre recommence. M. Elliot est remplacé au mois d’août par sir H. Pottinger. Une deuxième expédition est dirigée sur la côte de Chine ; Amoy, Chusan, Chin-hae et Ning-po cèdent à la supériorité des troupes anglaises, qui, en se divisant pour les occuper, se ferment pour le moment la voie à d’autres conquêtes. Le mouvement commercial de Canton, qui s’élevait en 1837 à 400 millions, se trouve réduit de moitié. Le découragement s’empare plus que jamais de la communauté anglaise. Dix fois, dans le cours de cette année, l’exigence de leurs relations, la nécessité, ramènent les négocians à Canton, dix fois une terreur panique les en chasse. Les graves évènemens qui se passent dans le nord de l’Inde signalent encore la fin de l’année 1841 ; la puissance anglaise n’en est pas ébranlée peut-être, mais la sécurité publique s’alarme ; le malaise se fait sentir jusqu’en Angleterre, l’industrie est réduite aux abois ; le gouvernement anglais se voit obligé d’adopter en temps de paix des mesures financières qu’une guerre européenne seule a pu jusqu’ici rendre nécessaires, et auxquelles la nation se soumet presque sans murmure, tant est grand le sentiment du danger commun, tant est profonde la souffrance publique.

Telle est, monsieur, la situation des affaires anglaises en Chine. L’année 1842 sera-t-elle plus fertile en résultats que les trois années qui viennent de s’écouler ? Indubitablement les évènemens de l’Inde auront pour effet de paralyser en partie les efforts que l’Angleterre devait concentrer sur la Chine, et il lui sera peut-être difficile de réunir un nombre de troupes qui lui permette d’opérer les grands mouvemens qu’elle préparait pour la prochaine mousson du sud-ouest. On assure cependant que des armemens considérables ont eu lieu en Angleterre, et qu’indépendamment des équipages des navires de guerre, l’armée expéditionnaire destinée à agir cette année contre la Chine s’élèvera au moins à dix mille hommes.

Permettez-moi à présent, monsieur, de chercher à lire dans l’avenir de la grande question qui nous occupe. C’est une tâche difficile que je vais entre-