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porté à croire que son industrie prendra un développement merveilleux. La Chine est une fourmilière sur une immense échelle. Sa population ne s’arrête pas un seul instant ; elle ne peut pas s’arrêter ; car elle mourrait de faim. Pour elle pas de repos, il faut qu’elle travaille sans cesse, aujourd’hui, demain, toujours ; elle ne connaît même pas les jours de fête. Une seule fois dans l’année, un seul jour, le premier de l’an, le travail cesse ; le Chinois le plus pauvre se livre au plaisir avec toute l’ardeur qui suit une longue privation ; mais, le lendemain, il reprend la tâche de toute sa vie. Que d’énergie une pareille existence ne devrait-elle pas donner à cette population, si les lois sous l’empire desquelles elle vit ne la contenaient dans les limites de son industrie, si on ne lui avait caché le monde où elle est destinée à occuper une si grande place ! Renversez la barrière, et vous verrez de quoi ces hommes seront capables ; faites-leur connaître leur force, portez-leur cette civilisation qui vous donne sur eux une supériorité factice, et vous verrez avec quelle rapidité ils profiteront de vos leçons jusqu’à ce que, peut-être, ils soient eux-mêmes en état de vous en donner.

On a dit, je crois, que le monde tendait à changer de place ; on voulait par là signaler la décrépitude de nos vieilles institutions sociales ; la vie, la force sont, dit-on, parmi les nouvelles populations du globe ; c’est pour elles qu’est l’avenir. On citait les États-Unis s’élevant, en moins de cinquante ans d’indépendance, au premier rang des nations, et rivalisant déjà, à forces égales, avec cette même puissance dont naguère ils étaient encore tributaires. L’Europe a débordé, et partout elle va formant des nations jeunes et vigoureuses dont on peut suivre pas à pas la création ; en Chine, l’œuvre est presque accomplie, et, quand le rideau se lèvera, la nation chinoise apparaîtra tout prête à jouer son rôle sur la scène du monde.


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Macao, 15 mars 1842.