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LES ÉLECTIONS.

le prince de Metternich aurait répondu il y a quelques mois à une ouverture diplomatique : « Quand la France aura fait ses élections, nous verrons. » C’est à cette pensée de défiance et d’incrédulité sur la durée de ce qu’a fondé 1830, qu’il importe de répondre par des faits positifs. Une chambre gouvernementale sera pour la France une force vis-à-vis l’Europe, et en même temps elle sera pour l’Europe un gage de sécurité à notre égard.

C’est surtout dans les temps de calme qu’il est permis de demander aux institutions tout ce qu’elles peuvent rendre. Élu au sein d’une tranquillité profonde, le parlement qui s’assemblera le 3 août comprendra sans doute toute l’étendue de ses devoirs et voudra les remplir. Ce ne sont pas toujours les chambres nommées dans des circonstances orageuses qui se montrent le plus résolues et le plus fermes. Sortie de la coalition, la chambre de 1839 a été souvent indécise et timide. Mais quand les derniers bruissemens des tempêtes publiques ont expiré depuis long-temps, quand la société est paisible, presque indifférente, il arrive souvent que les assemblées politiques se mettent à exercer leur action avec plus d’énergie ; elles s’y croient autorisées par le calme qui règne autour d’elles.

Lorsque nous demandons aux électeurs de nommer une chambre gouvernementale, il est loin de nous de désirer le triomphe exclusif et oppresseur d’un seul parti. Un semblable résultat nous ramènerait aux fautes de la restauration. Qu’arrive-t-il quand des idées, des passions qui ont quelque empire dans le pays, ne peuvent se faire représenter dans le parlement ? Elles se réfugient dans une presse ardente, elles s’exagèrent et s’enveniment dans de secrets conciliabules ; elles se font une vie exceptionnelle et mauvaise. Si nous voulons voir dans le parlement quelques représentans des opinions extrêmes, à plus forte raison blâmerions-nous l’exclusion qui serait prononcée systématiquement contre les hommes d’une opposition modérée. Il paraît que le cabinet a hautement reconnu et déclaré à ses agens qu’il était des hommes notables parmi ses adversaires dont il ne fallait pas songer à combattre la réélection, et dont la présence était nécessaire à la chambre. D’ailleurs, dans sa lutte contre les opposans, le ministère a plus d’intérêt à en éclaircir le nombre qu’à tirer sur les officiers.

Au surplus, au-dessus des convenances particulières du ministère et de l’opposition s’élève l’intérêt du pays, dont en ce moment le corps électoral est le juge suprême. Les circonstances sont favorables ; les électeurs peuvent apprécier sainement les hommes et les