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choses ; il n’y a pas de passions ardentes qui égarent les esprits : justice peut être faite à tout le monde. Une considération nous frappe. Beaucoup de personnes éclairées sont convaincues que le corps électoral tel qu’il est représente sincèrement l’état du pays, et qu’il n’est pas raisonnable de vouloir, par une réforme hasardée et au moins inutile, ébranler une loi organique qui compte à peine onze ans d’existence. Voici une occasion excellente pour donner à cette opinion l’irréfragable sanction du fait. Si des élections de 1842 il sort une chambre vraiment politique, ce résultat sera la meilleure réponse aux cris de réforme qu’on entend dans chaque session. Il dépend du corps électoral de défendre et d’affermir sa propre composition par la qualité même des produits qu’il donnera. Une chambre insuffisante deviendrait un argument en faveur d’une réforme.

Les électeurs ne doivent pas perdre de vue les critiques dont a été l’objet la manière dont ils exercent leur droit. On leur a reproché d’envoyer sur les bancs de la chambre un trop grand nombre de fonctionnaires publics, et l’opposition a voulu porter remède au mal en étendant le cercle des incompatibilités que prononce la loi de 1831. Qu’a-t-on répondu pour combattre, pour repousser cette proposition, qui a été reproduite jusqu’à trois fois ? On a dit qu’il ne fallait pas empiéter sur la souveraineté de l’électeur, que seul l’électeur était juge de la capacité morale des candidats, et qu’il n’était pas sage de vouloir faire par des lois ce qui ne pouvait être fait que par les mœurs. Il appartient aux électeurs de prouver la justesse de cette réponse. Il ne s’agit pas d’exclure systématiquement tous les fonctionnaires de la députation. Cette erreur de l’assemblée constituante et de la convention n’a plus de partisans que parmi ceux que l’expérience ne corrige pas, et elle doit aujourd’hui avoir d’autant moins cours, que la majorité des fonctionnaires publics présente plus de garanties morales par leurs lumières et leurs talens. Mais, dans cette majorité même, nous conseillerons aux électeurs de choisir avec sévérité. Nous les engagerons à nommer surtout parmi les fonctionnaires les plus élevés et les plus éminens ; avec nos mœurs et nos institutions, il n’est plus guère possible à l’ignorance, à la médiocrité, d’arriver aux premiers rangs de l’administration, de l’armée et de la magistrature, et les électeurs qui iront y chercher des mandataires ont plus de chances pour ne pas faire un mauvais choix. Ils éviteront aussi de cette façon les petites ambitions, d’autant plus avides qu’elles sont moins satisfaites, et qu’elles voudraient s’élancer des premiers degrés de la hiérarchie jusqu’aux plus hauts, à la faveur d’un court