Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 31.djvu/221

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
217
PHILOSOPHIE DU DRAME GREC.

que nous chercherons des spécialités, des genres poétiques dans ces prétendues épopées qui auraient dû contenir toute poésie. Quant à l’ensemble, il fatigue, l’imitation se trahit à chaque pas, et l’on se prend à gémir de ce qu’un si beau génie n’ait pas laissé Homère où il était, sur les sommets lointains du passé, à la source des littératures progressives, de ce qu’il n’ait pas suivi le cours du fleuve par où il s’élargit, de ce qu’il n’ait pas créé ou enrichi un genre, comme avaient fait avant lui tant d’hommes distingués de la Grèce.

Parmi les genres sortis d’Homère, le genre dramatique est celui qui a le plus directement suivi la même impulsion, le plus clairement manifesté et propagé le même esprit.

Les fêtes de Bacchus, du sein desquelles l’ancien drame grec s’est d’abord produit, avaient une partie sérieuse, les mystères, qu’on célébrait en certains lieux consacrés, et une partie bouffonne, les réjouissances du peuple, qui éclataient surtout avec une grande licence dans les campagnes. Les récits ou discours qu’on introduisit, sous le nom d’épisodes, dans l’intervalle des cantiques, et qui furent le premier linéament du drame, et les scènes dans lesquelles on vit figurer ensuite les satyres et les silènes, réunirent d’abord ce double caractère bouffon et sérieux. Les inventeurs de cette nouveauté se justifiaient par l’exemple d’Homère ; et ils avaient raison. Il n’est point nécessaire, du reste, pour cela de citer le Margitès, comme fait Aristote ; l’Iliade et l’Odyssée ont l’élément comique aussi bien que l’élément tragique, et c’est là, ou plutôt c’est dans l’esprit libre et critique de l’époque, que les premiers dramaturges puisèrent leurs inspirations. On dit que Solon, dans l’intérêt du culte, s’opposa aux représentations des épisodes. En effet, la licence y était extrême, et c’était une moquerie véritable ; mais à qui la faute ? Les chœurs phalliques et les symboles de même nature promenés en procession par les prêtres étaient-ils bien dignes de respect ? Et lorsqu’on exposait au peuple de pareils emblèmes, lorsqu’on négligeait la morale pour le mystère, n’était-il pas naturel qu’un rire inextinguible s’élevât du sein même des cérémonies religieuses ?

Peu de temps après, ce genre tragi-comique, démembrement d’Homère, se démembra à son tour ; l’élément sérieux et l’élément bouffon se séparèrent ; l’embryon dramatique se développa en deux êtres distincts, la tragédie d’une part et la comédie de l’autre. C’est que le genre s’était fécondé, c’est qu’on entrevoyait les ressources de chaque sujet, les profondeurs des caractères et des passions, l’enchaînement des circonstances d’un même fait ; on avait expérimenté