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PORTRAITS HISTORIQUES.

Le prince venait, en ce moment, de gagner la bataille de Lens, et se trouvait en merveilleuse humeur de folie. Il prit le coupable sous sa protection, se moqua de lui, ce qui était juste, et obligea le fils du premier président Molé à négocier un accommodement avec la famille offensée. Quant à la dame, elle maintint son vœu, dont les plus rigoureux casuistes l’auraient certainement relevée. Elle ne fut ni la comtesse de Bussy, ni la femme d’aucun autre. Elle resta, pour l’édification de son siècle et de la postérité, Mme de Miramion. Et quand, après quarante-huit ans de bonnes œuvres, elle quitta cette terre où déjà Bussy n’était plus, une autre personne du nom de Rabutin, la petite-fille de Mme de Chantal, qui allait mourir aussi et qui avait encore une lettre à écrire, répara le tort infâme de son cousin en consignant ces simples mots dans la dernière feuille de son immortelle correspondance : « Pour Mme de Miramion, cette mère de l’église, ce sera une perte publique. »

Cependant on était arrivé (1649) à l’époque des troubles qui s’appellent de la Fronde, et c’était là un bon temps pour faire son chemin. Il ne s’agissait que d’adopter un parti, de le quitter, d’y revenir, d’en sortir encore, et de se faire payer à chaque fois, non pas ce qu’on valait, mais ce qu’on s’estimait valoir. Il y eut alors de prodigieuses fortunes faites à ces marchés. Le comte de Bussy n’y avança pas la sienne, car il se comporta en cette occasion comme le plus simple des hommes. Il demeura fidèle au roi, au gouvernement établi par la régente, au ministre qu’elle affectionnait. Il fit la guerre de Paris dans l’armée royale, contre ses meilleurs amis qui tenaient pour la ville, et il n’en rapporta qu’un grand coup de bâton sur la tête, tous les profits étant pour ceux avec lesquels on avait traité. Cela, sans doute, le fit réfléchir ; et quand, moins d’un an après (1650), le cardinal Mazarin fit conduire à Vincennes le prince de Condé, le comte se piqua d’un dévouement généreux pour le prisonnier, avec lequel il était fort mal et dont il se préparait à quitter le service. Il résolut donc d’éprouver à son tour, sous ce prétexte, ce que pourrait lui procurer le rôle de mécontent. En attendant le moment d’agir, il employa son loisir à contracter un second mariage (mai 1650) avec la fille de Jacques de Rouville, comte de Clinchamp ; puis, à peine marié, il alla s’enfermer dans le château de Montrond, appartenant au prince, et ce fut là qu’il devint maréchal-de-camp, de la façon de Claire-Clémence de Maillé-Brézé, princesse de Condé, l’héroïne de la seconde guerre civile. Au début de cette guerre, il avait fort bien expliqué les dispositions qu’il y portait : « Je vais,