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TENDANCES NOUVELLES DE LA CHIMIE.

point de contact remarquable. Tous n’admettaient qu’un nombre fort restreint de principes élémentaires. L’école arabe, fondée par Geber, ne reconnaît comme tels que le soufre, le mercure et l’arsenic. Roger Bacon, le grand Albert, paraissent avoir adopté cette manière de voir et l’ont transmise à leurs successeurs. Quelques alchimistes semblent admettre un quatrième élément, la quintessence de Raymond Lulle. Paracelse reconnaît comme principes des corps les quatre élémens des physiciens, mais il y joint l’élément prédestiné, résultant de l’union des quatre élémens élémentans sous leur forme la plus parfaite, et de plus le sel, le soufre et le mercure. Nicolas Lefèvre repousse les élémens des philosophes grecs et leur substitue le phlegme ou l’eau, l’esprit ou le mercure, l’huile ou le soufre, le sel et la terre. Vers le milieu du XVIIe siècle, Becher, chimiste allemand, porte les premiers coups à cette antique tradition du petit nombre des élémens. Dans sa Physica subterranea, il en admet bien trois, la terre vitrifiable, la terre inflammable et la terre mercurielle ; mais chacun d’eux ne représente plus une matière unique et toujours identique : ce ne sont plus des élémens dans le sens propre du mot. En même temps, il établit le premier qu’il existe des corps composés et des corps simples ou indécomposables dont le nombre n’est point fixé. Cette idée toute nouvelle nous paraît à elle seule être une véritable révolution et renfermer le germe de toute la théorie de Stahl.

À ce dernier appartient la gloire d’avoir enfin réuni en un faisceau toutes les notions jusque-là éparses, de les avoir rattachées les unes aux autres par un lien commun, d’avoir fait de la chimie un véritable corps de doctrines. Sa théorie est fort simple. Stahl rejette les élémens scolastiques ; il admet des corps simples et des corps composés. Tous les métaux rentrent pour lui dans cette dernière catégorie. Leurs terres, ce que nous appelons’aujourd’hui leurs oxides, sont au contraire des élémens. Pour passer de l’état terreux à l’état métallique, les métaux absorbent un agent universel, désigné sous le nom de phlogistique. Cette théorie a suffi, pendant près d’un siècle, à l’explication de tous les phénomènes chimiques connus ; elle a provoqué et facilité de nombreux travaux, et pourtant elle péchait par la base : si les terres, pour arriver à l’état de métal, absorbent un corps quelconque, il est évident qu’elles doivent augmenter de poids : or, c’est le contraire qui arrive. Stahl, malgré tout son génie, n’avait pu échapper à l’influence de la tradition. Il ne voyait dans un corps que sa forme et ses propriétés physiques ; il ne tenait aucun compte de la pesanteur, et là se trouve la source de toutes ses erreurs.