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Mais cette doctrine suffisait aux besoins présens ; aussi se répandit-elle rapidement, grace aux leçons orales et aux écrits de son inventeur. Le style de ce dernier n’est pourtant pas attrayant ; un mélange bizarre de mots allemands et latins le rend souvent presque inintelligible. On peut en juger par cette courte phrase empruntée à son principal traité de chimie. « Sonsten ist aus den angefuhrten alterationibus metallorum zu notiren dass in den metallis imperfectis dreyerley substantia vorhanden sey. (D’ailleurs, d’après les altérations des métaux que nous venons de citer, il est à remarquer qu’il y a dans les métaux imparfaits trois sortes de substances. »

La théorie du phlogistique régna sans partage sur tout le monde savant jusque vers le dernier tiers du XVIIIe siècle. Grace à la vigoureuse impulsion que lui dut la chimie, de nombreuses et brillantes découvertes signalent cette période. Nous ne pouvons en donner ici les détails, mais il est impossible de passer entièrement sous silence les travaux de Scheele et de Priestley, qui tous deux défendirent jusqu’à leur mort les doctrines de Stahl, tandis que chacune de leurs admirables découvertes était un nouveau coup porté à leur idole. Le premier, pharmacien modeste, relégué volontairement dans un village de la Suède, peut être cité comme un modèle dans l’art des expériences. On lui doit la connaissance d’un grand nombre de corps simples ou composés, entre autres celle du chlore, dont l’industrie et la médecine ont fait depuis un si grand usage, et celle de l’acide prussique, substance terrible qui réalise tout ce que les anciens nous ont transmis sur les plus violens poisons préparés par Locuste. Le second, né en Angleterre, théologien fougueux et intolérant, consuma la plus grande partie de sa vie dans des querelles religieuses qui le forcèrent à s’expatrier. Ce n’est pour ainsi dire qu’à ses momens perdus qu’il s’occupa de chimie, et ses travaux n’en ont pas moins une haute importance. Avant lui on ne connaissait que deux gaz, l’hydrogène et l’acide carbonique ; il en découvrit neuf, et parmi eux se trouve l’oxigène, qu’il appelait air vital, dont il apprécia assez bien le rôle essentiel. Scheele et Priestley étudièrent tous deux à peu près en même temps la composition de l’air. L’un et l’autre reconnurent qu’il était formé de deux principes, dont un seul, l’air vital, entretenait la respiration et la combustion. Comment se fait-il qu’ils ne soient pas devenus les chefs de la grande révolution qui se préparait ? C’est qu’il leur a manqué, comme à Stahl, de compter pour quelque chose le poids des corps, de renoncer à ce culte absolu de la forme qui pesait depuis tant de siècles sur la