Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 31.djvu/437

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
433
TENDANCES NOUVELLES DE LA CHIMIE.

par quels moyens la nature renouvelle-t-elle sans cesse ce trésor de matière qu’elle dépense avec une si magnifique profusion ? Dans la distribution que leur en fait la mère commune, l’animal, le végétal, sont-ils également partagés ? Dans ces deux grandes divisions des êtres organisés, la vie agit-elle d’une manière identique sur les élémens soumis à son influence ? Et quand arrive ce moment mystérieux qui ramène à l’état de matière brute le corps le plus richement organisé, que deviennent tous ces principes immédiats, tous ces produits de la vie, que nous voyons se dissoudre ou tomber en poudre à nos yeux ? Tels sont les sublimes problèmes que la science moderne a osé aborder de front, non plus, comme jadis, à l’aide de simples hypothèses, mais en s’appuyant toujours sur l’expérience directe. On voit que la chimie, dans ses progrès incessans, ne s’en tient plus à l’étude des corps isolés, mais qu’elle s’élève jusqu’à cette physique générale du globe, dont l’accès semblait lui être à jamais interdit.

Chargé de l’enseignement de la chimie à la faculté de médecine à Paris, M. Dumas s’est trouvé naturellement ramené vers les applications physiologiques de cette science, et ce professeur semble être retourné avec joie à des études qui marquèrent ses débuts dans la carrière scientifique. Fort des travaux de ses devanciers et de ses propres recherches, il n’a reculé devant aucune des difficultés de sa tâche, et, dans un écrit aussi remarquable par la forme que par le fond, il vient de résumer les leçons professées par lui sur le sujet qui nous occupe. Plus que tout autre, M. Dumas était fait pour traiter ces questions ardues. À une patience infatigable, à une sévérité consciencieuse dans la recherche des faits, se joint chez ce savant un esprit essentiellement généralisateur. Nul mieux que lui ne sait rattacher des détails à un ensemble, coordonner les faits épars et les enchaîner par de larges théories. Peut-être, dans ce travail de synthèse, se laisse-t-il entraîner quelquefois par l’élan de son intelligence ; mais, s’il lui arrive de temps à autre de dépasser le but qu’un si petit nombre peut atteindre, qui pourrait lui en faire un reproche ? Retrancher quelques jets d’un arbre trop vigoureux sera toujours chose facile ; quel parti tirer d’un misérable avorton ?

La pensée fondamentale de l’Essai sur la Statique chimique des êtres organisés peut se formuler en ces termes : les végétaux fabriquent les principes immédiats ; les animaux s’en emparent et les décomposent. Ceux-là sont des producteurs, ceux-ci des consommateurs. Les premiers empruntent sans cesse à l’air atmosphérique les élémens fondamentaux de l’organisation animale ou végétale ; les