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LES ANGLAIS DANS L’HINDOUSTAN.

ont exilés des champs de leurs aïeux, et ils courent les campagnes et les villes. Chassés comme étrangers, purdessis, poussés par les tourmens de la faim, ne pouvant trouver d’ouvrage, ils se livrent au vol et au brigandage ; contraste bien frappant avec leurs maîtres, qui meurent presque tous de bonne heure des effets d’une alimentation trop riche et de l’abus des boissons alcooliques. — Sahéb logue dén bheur khaté pité hain, kalla admi ghom aour boukh khata hai. « L’homme blanc, disent-ils, mange et boit le jour entier, l’homme noir dévore sa faim avec sa honte. »

Si l’on pénètre dans les demeures de ces hommes si utiles et si laborieux, quel séjour ! Une hutte de boue ; pour tout meuble, un tcharpaï (lit de cordes tressées avec des herbes), une natte grossière, quelques écuelles en bois, rarement en cuivre ; pour tout vêtement, un langouti (petit chiffon pour cacher les parties sexuelles), un linge grossier destiné à abriter leur tête contre un soleil de 50 à 60 degrés centigrades ; une couverture de laine noire pour l’hiver (kamli). Ils n’ont le plus souvent d’autre nourriture que de la farine délayée dans de l’eau froide, et dont, faute de sel, ils cherchent à corriger la fadeur par des pimens. Autour d’eux, les champs sont couverts d’indigo, de tabac, d’opium, de coton, d’huile de ricin, et de toute espèce de céréales ; mais, faute d’avances, ils sont à la merci des zemindars, qui, leur fournissant le bétail ainsi que tous les instrumens aratoires, exploitent ensuite ces malheureux comme des serfs. À quoi attribuer tant de misères ? Est-ce un manque de terres ? Non, car il y a des provinces entières qui restent incultes. Est-ce que le gouvernement anglo-hindou est plus oppressif pour les masses que les princes indigènes ? Non, sans doute ; mais ce gouvernement veut l’impôt, qui est demeuré à peu près tel qu’il était sous Akber pour chaque produit du sol. On n’a pas égard aux sécheresses et aux famines devenues si communes dans certaines provinces par le défaut de puits et de canaux. Trompé dans son espoir, le cultivateur n’a pas les ressources qu’offraient, sous les empereurs, les travaux publics, ainsi que les manufactures indigènes, qui occupaient tant de bras ; ces manufactures ont été détruites, afin d’éviter une concurrence fâcheuse pour celles de la métropole. La culture forcée de l’opium, si nuisible au sol, si peu profitable au cultivateur, envahit des royaumes entiers et tous les meilleurs terrains, ceux qui produiraient des plantes utiles à l’homme. Le monopole du sel, principalement à charge à la masse de la population, qui en consomme une grande quantité à cause de sa nourriture toute végétale, est un des plus