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dette ; mais, comme on voulait éviter de la payer, on entamait un procès. On conservait ainsi les apparences de la justice aux yeux des populations, qu’on cherche toujours à capter, en détruisant cependant d’une manière lente et sourde tout ce qu’il y a de noble et de généreux en elles. Le radja de Sattara est accusé de trahison ; on s’empare de ses états, on pille ses trésors et on le relègue à Bénarès. Il a porté plainte à la chambre des communes. Le naouab de Bénarès, surnommé le gros naouab, a fait en 1838 un voyage en Angleterre, pour aller réclamer le royaume d’Aoude. Il en avait été exclus au profit d’un vieillard imbécile dont le droit était nul d’après la loi musulmane qui régit cet état. La veuve du dernier roi[1], dont les aïeux avaient rendu tant de services au gouvernement de Calcutta lors de la guerre du Népaul, a été renfermée dans la forteresse de Chounar pour s’être montrée digne du Mesned[2]. La femme de Holkar est retenue prisonnière dans un château maharratte, sur les bords de la Nerbouddha. La régente de Gualior est confinée à Allahabad. Les radjas de Courg, de Visinagram, et un prince du Carnatic, sont exilés à Bénarès. Dost Mohamed, adoré de ses sujets, est détrôné pour un monstre que les Afghans ont chassé trois fois, et que ses vices peuvent faire assimiler aux Domitien et aux Héliogabale. Le radja de Bénarès, qui remplace l’héritier légitime, est un homme des plus médiocres et des plus ineptes. Le naouab de Mourchedabad, dont les aïeux possédaient le Bengale, vient de mourir à vingt-deux ans ; il touchait une pension annuelle de 18 lacks de roupies (4,500,000 francs) ; il laisse entre les mains du gouvernement de Calcutta un enfant qui a droit à la même rente viagère. La rani (princesse hindoue) de Firozepour a légué ses états à la compagnie, afin de s’en assurer la jouissance de son vivant : elle laisse aussi un neveu dans la misère. La begoum (princesse musul-

  1. Il mourut, dit-on, empoisonné.
  2. Quand elle apprit la mort de son époux, la begoum se trouvait dans une maison de plaisance à quatre kosso de Lacknao. À cette nouvelle, elle monta aussitôt un éléphant de bataille, et, suivie d’une trentaine de cavaliers seulement, elle se présenta aux portes de la ville. Toute la population était en armes. N’ayant pu se faire ouvrir, elle lança à plusieurs reprises son éléphant ; après plusieurs secousses, les gonds cédèrent ; son courage, sa jeunesse, sa beauté, firent le reste. Elle s’assit sur le trône. Quelque temps après, des troupes anglaises arrivèrent ; le major Low, de la part de son gouvernement, lui intima l’ordre de quitter le palais. Sur son refus, elle en fut violemment arrachée, et, pour tout serviteur, on ne lui laissa qu’une métrani, femme de la condition la plus abjecte dans la classe musulmane.