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LES ANGLAIS DANS L’HINDOUSTAN.

tisme religieux avait créée mettait tout à feu et à sang. Pour qu’il y eût soulèvement général, il faudrait, nous le répétons, que les masses y fussent intéressées ; il faudrait qu’elles n’eussent qu’une même religion, qu’un même langage, qu’elles ne fussent pas subdivisées en castes, sectes, variétés de castes et de sectes, hors desquelles il n’y a aucun intérêt. Les musulmans[1] et les Hindous, répartis sur toute la presqu’île de l’Inde, quoique d’une manière bien inégale[2], sont toujours en présence les uns des autres avec les mêmes haines et les mêmes préjugés.

La politique anglaise n’a pas manqué de profiter de tant d’avantages en excitant les inimitiés de prince à prince, de royaume à royaume. Lors de la guerre des Birmans, le roi de Lacknao avança à la compagnie deux korors[3] (50 millions de francs), et leva à ses frais deux régimens qui ne lui appartenaient pas ; pendant la guerre des Maharrattes, des Djaths, du Népaul, les populations musulmanes montrèrent le même dévouement. À l’époque de l’expédition du Caboul, on fit un appel général à tous les souverains dont les états se trouvaient enclavés dans ceux de la compagnie ; il n’y eut pas un de ces chefs qui ne contribuât au-delà de ce que ses moyens lui permettaient. On aurait dit une ligue générale contre un ennemi commun. Le royaume d’Aoude avança plusieurs korors de roupies, et arma à ses frais ; le radja de Pattala mit tous ses trésors, ses éléphans, ses chameaux, à la disposition du commissariat anglais. Tel est l’aveuglement de ces princes ; on dirait que, ne sachant se conduire eux-mêmes, ils craignent de sortir de la tutelle sous laquelle ils sont habitués à vivre, et n’osent franchir le cercle que les political agents ont tracé autour d’eux : aussi presque tous les frais de cette folle expédition du Caboul ont-ils été supportés par les princes de l’Hindoustan.

En somme, l’Angleterre a-t-elle bien mérité de tous ces peuples de l’Asie ? Pour tout l’or qu’elle a retiré et qu’elle retire chaque jour de ces riches contrées, a-t-elle au moins répandu dans l’Hindoustan quelques-uns des avantages de la civilisation moderne ? Nous sommes forcé de répondre négativement. Un peuple si avancé dans les arts,

  1. Ils sont divisés en sunnites et chiites, c’est-à-dire en secte d’Osman et en secte d’Ali.
  2. On compte vingt-cinq Hindous pour un musulman.
  3. Le koror est de 100 lacks de roupies.