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La discussion de la loi de régence à la chambre des députés a été à la fois un magnifique combat parlementaire et un évènement politique d’une grande portée. Aujourd’hui que la loi est sanctionnée et que les hommes ont fait tout ce que la raison d’état leur commandait pour atténuer les conséquences politiques d’un grand malheur, on peut sans inconvenance descendre au milieu des partis et les interroger sur leur situation, sur leurs intentions, sur leur avenir.

Un mot d’abord de M. de Lamartine, qui a quitté franchement, solennellement, le camp des conservateurs pour passer dans les rangs de la gauche. Ce n’est sans doute pas pour s’y cacher et pour s’y faire oublier. Quel que soit le drapeau qu’il adopte, M. de Lamartine ne peut être ni un combattant obscur ni un officier subalterne. Nous le verrons donc briller au premier rang, conduire la gauche au combat, en diriger les mouvemens. Décidément il faut à l’opposition deux chefs, comme jadis aux Spartiates deux rois. M. de Lamartine apporte, dit-on, à la gauche, de grandes vues, des projets nouveaux. Il aurait dit qu’il passait à l’ennemi pour faire, pendant quelques années, de la grande opposition. C’est là une affaire à régler entre M. de Lamartine et M. Barrot. M. Barrot venait de reprendre la direction de son parti, et il s’en était montré digne par un discours des plus remarquables : l’opposition n’avait jamais développé sa pensée, défendu ses idées, avec un raisonnement plus ferme et un langage plus élevé. Coriolan arrive ; veut-on partager avec lui le pouvoir, l’influence ? Qu’apporte-t-il ? Une parole éclatante ou des idées nouvelles ? Arrive-t-il seul, guerrier d’aventure, avec la cape et l’épée, ou bien amène-t-il avec lui des soldats ? Quels sont-ils ? Combien sont-ils ? Nous qui ne sommes point initiés aux secrètes combinaisons des partis, d’aucun parti, nous qui ne jugeons que sur les données qui sont connues de tout le monde, nous ne voyons jusqu’ici dans M. de Lamartine qu’un conservateur qui apporte à la gauche les espérances que peut faire naître une haute célébrité littéraire, un magnifique talent, une parole puissante et quelquefois heureuse. Rien de plus, rien de moins. M. Thiers avait rapproché de la gauche un parti nombreux ; il lui avait apporté une grande expérience des affaires, une influence politique incontestable ; ce n’étaient pas là seulement des espérances, mais des forces, des forces qu’il devait sans doute à son talent, mais des forces actuelles, réelles. On comprend alors le partage de pouvoir qui s’était fait entre l’ancien chef de la gauche et M. Thiers ; on comprend même que M. Barrot, avec une résignation modeste, ait consenti à laisser à M. Thiers le premier rôle. Le laissera-t-il à M. de Lamartine ? M. de Lamartine se contenterait-il du second ?

Mais les affaires de la gauche ne nous concernent pas, et nous pouvons sans impatience et sans anxiété attendre que les faits répondent à ces questions et dissipent tous ces doutes.

Disons seulement que nous avons peine à comprendre la surprise, l’étonnement que plusieurs personnes nous ont témoigné à l’endroit de M. de