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d’autres meubles que ceux du moyen-âge, et beaucoup, croyant qu’avec de l’argent le goût est inutile, transformèrent à grands frais leurs salons en magasins de bric-à-brac.

M. du Sommerard avait une fortune modeste et ne pouvait lutter avec la mode. Bien des faiseurs de collections se seraient dépités d’une pareille concurrence, et auraient gémi de se voir enlever des objets rares, faits pour les gens de goût, par ce que les artistes nomment les bourgeois ; mais M. du Sommerard aimait l’art pour lui-même, et, dût sa collection en souffrir, il s’applaudissait de voir tirer de l’oubli des monumens dont il avait le premier fait connaître le mérite.

Dans les dernières années de sa vie, il a publié un grand ouvrage qui comprend non-seulement la description de son cabinet, mais aussi la comparaison et l’appréciation des monumens de toutes les époques du moyen-âge. Personne n’était plus en état de faire, sur ce sujet, un livre consciencieux et intéressant, car il connaissait toutes les antiquités de la France ; il avait beaucoup voyagé, et, ce qui est plus rare, il avait le don de voir. La mort l’a surpris au moment où il mettait la dernière main à cet immense travail. Il laisse aux artistes et aux archéologues un véritable trésor de science rendue facile.

M. du Sommerard n’était point exclusif dans son amour pour le moyen-âge ; il savait distinguer le mérite chez les modernes, et plus d’un jeune artiste lui doit le commencement de sa réputation. Il y a quelques années, un de nos peintres les plus en vogue aujourd’hui, alors pauvre et inconnu, lui avait vendu fort avantageusement, comme il croyait, un petit tableau que personne n’avait remarqué au salon. On le remarqua chez M. du Sommerard. Un financier voulait l’avoir, et en offrit un prix trois fois plus élevé. M. du Sommerard accepte le marché aussitôt, reçoit l’argent et court le porter à l’artiste tout surpris. « Je vous disais bien, mon cher, que votre tableau était bon ; maintenant qu’il est bien placé, vous m’en ferez une copie lorsque vous aurez le temps. » La vie de M. du Sommerard est pleine de traits pareils.


Le Livre de la Voie et de la Vertu, de Lao-tseu, auquel nous avons consacré un article dans notre dernière livraison, a paru chez l’éditeur B. Duprat[1]. On ne saurait assez encourager de semblables travaux dans l’intérêt des études philosophiques. Aussi ne doutons-nous pas que l’attention du public sérieux ne soit assurée à la traduction de M. Julien.


V. de Mars.
  1. Rue Saint-Benoît, 7.