sévère ami : « À la bonne heure, lui dit cette fois Foscolo, voilà qui est beau ! » L’auteur n’en crut pas l’oracle ; c’est Laodamie qu’il jeta au feu. Francesca, jouée à Milan deux ou trois ans plus tard (1819) par la Marchionni, fut accueillie avec enthousiasme et fonda la réputation de Pellico.
Le poète n’a pas gardé rancune au critique ; il parle souvent de lui dans ses Poésies inédites, et toujours de la manière la plus affectueuse, la plus touchante, quoiqu’il « ne comprît pas, dit-il, les consolations de la foi, et qu’il eût ouvert son intelligence hardie à des doutes misérables. » Ce qui veut dire en d’autres termes que Foscolo n’était pas croyant, et, pour le converti du Spielberg, cette pensée jette un crêpe de deuil sur la statue de l’amitié.
Silvio eut un autre ami auquel il ne fut pas moins attaché et dont il a aussi consacré le souvenir dans ses poésies. Ce fut l’illustre Volta, qui, bien qu’enfant du XVIIIe siècle et physicien, était fervent catholique, si l’on en croit le poète. C’était presque en tout le contraire de Foscolo ; il ne prêchait à son jeune ami que l’humilité chrétienne et les bienfaits de la race. Ce Pellico, que nous voyons aujourd’hui si plein de mansuétude et de résignation, a eu, à ce qu’il paraît, ses jours de colère et de révolte ; il l’avoue lui-même, et il ajoute qu’il était alors fort enclin à la satire. Volta combattait en lui cette disposition maligne : « La poésie enragée (arrabbiata) n’améliore personne, lui disait-il ; s’il vous arrive de vous sentir irascible et porté à répandre votre bile en vers, tremblez de devenir méchant ; je voudrais au contraire que vous cherchassiez alors à vous adoucir en travaillant sur quelque noble exemple de charité et d’indulgence. » Silvio suivit ce conseil ; il écrivit, sous l’influence du vieux savant, un récit poétique ou cantica, Aroldo e Clara, où une sœur pardonne au meurtrier de son frère et force son père à en faire autant au nom de Jésus-Christ. Le poète devait plus tard donner lui-même l’exemple d’un grand pardon ; mais Volta ne put jouir du fruit de ses leçons. Quand il mourut (1826), Silvio était encore enseveli dans le silence implacable du Spielberg.
Cependant l’ère autrichienne avait succédé à l’ère napoléonienne ; on était en pleine restauration ; Vienne traitait la Lombardie en pays conquis. La famille de Silvio était retournée à Turin ; seul il restait à Milan, où il s’était chargé de l’éducation des enfans du comte Porro. Cette époque est la plus heureuse de sa vie ; le comte l’aimait comme un frère, comme un fils, et sa maison était le rendez-vous de tous les hommes éminens de la Lombardie, ainsi que des illus-