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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 31.djvu/974

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REVUE DES DEUX MONDES.

sur bois d’Albert Dürer, lui demanda son portrait en lui envoyant le sien. Van Dick, voyant les merveilles de Callot, voulut peindre ce maître à son voyage en Flandre ; ils firent aussi un échange : pendant que Van Dick peignait, Callot dessinait son peintre. Si je ne craignais de comparer, je dirais qu’entre Callot et Albert Dürer il y a la distance du divin créateur de la Transfiguration au hardi portraitiste flamand.

Rembrandt, qui touche à la grande famille de Raphaël, Michel-Ange, Corrège, Poussin et Rubens, a été aussi, comme l’artiste lorrain, un peintre des haillons ; mais s’il est la plus haute poésie en guenilles, Callot n’est souvent que le caprice en guenilles. Rembrandt néglige le contour pour l’effet, Callot néglige l’effet pour le contour ; l’un est la couleur en gravure, l’autre le trait. Callot, né aux portes de l’Allemagne et de la Flandre, n’avait rien de la naïveté des Allemands, rien de l’effet vigoureux des Flamands ; né Français, il avait la netteté, la clarté et un peu de la philosophie de sa nation ; de plus, en Italie, sa seconde patrie, il avait trouvé le caprice ingénieux et la hardiesse spirituelle. Malgré la diversité de leur génie et de leur caractère, ces trois hommes seront toujours confondus dans une égale admiration, quand on parlera de ceux qui ont créé par la gravure. Tous trois ne se proposaient pas le même but, mais tous trois ont touché leur but.

La Fantaisie est la dixième muse, son domaine est partout où il y a des roses à cueillir, elle néglige le fruit doré qui courbe la branche ; c’est une écolière qui s’attarde le long des buissons odorans, qui se détourne pour cueillir un bluet ou pour boire au ruisseau. Elle va toujours comme l’abeille, elle butine la poésie sur les haies fleuries, au bord des sainfoins ; mais l’abeille retourne à sa ruche, tandis que l’écolière s’égare à la poursuite de ses chimères. La muse de Jacques Callot était la Fantaisie : esprit, grace, rime, rien ne manquait à ce joli poète, rien, hormis la raison. Sa Fantaisie n’est pas la jeune écolière, c’est une bohémienne en guenilles qui s’en va butinant l’aumône. D’où vient qu’elle nous charme sans nous émouvoir profondément ? C’est que Callot n’a pas peint l’homme avec sa joie ou sa douleur ; il a peint un masque piquant qui grimace la douleur ou la joie. Cet éternel tableau des misères humaines n’attriste ou n’égaie que l’esprit ; il attriste plutôt qu’il n’égaie, car, à la fin, c’est un peintre désolant que celui qui ne nous laisse jamais entrevoir ni le ciel, ni le paysage, à moins qu’il ne lui faille des arbres pour y pendre son monde. Sa comédie de quinze cents actes n’est donc ni franchement gaie, ni franchement triste ; il s’arrête à l’écorce, il ne frappe qu’à