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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 32.djvu/670

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ront au fisc cinq ou six francs de plus par tête, et les Français un ou deux francs, la somme de l’aisance générale en sera-t-elle diminuée dans l’un ou l’autre pays ? Nous avons entendu faire des rapprochemens très ingénieux peut-être, mais très hypothétiques aussi, dans lesquels on mesurait le bonheur relatif des peuples à la quotité plus ou moins élevée de l’impôt qu’ils étaient tenus d’acquitter. Sans faire ici l’éloge des gros budgets et sans prétendre que l’impôt soit, comme on l’a dit, le meilleur des placemens, il nous paraît que les taxes publiques n’exercent pas une influence aussi directe ni aussi décisive sur le bien-être des nations. La misère ou l’aisance générale dépend de causes très complexes parmi lesquelles le poids de l’impôt ne tient pas la première place. Il y a sans contredit plus de misère en Belgique qu’en France, bien que les Belges prélèvent, sur les produits du travail national, une part un peu moins forte pour défrayer les besoins de l’état. L’aggravation nécessaire qui résultera d’un changement dans l’assiette de leurs contributions leur semblera légère, quand ils verront s’accroître en même temps le travail et les profits du travail. Comment pourraient-ils se plaindre si, pour chaque million additionnel qu’ils verseront dans les caisses publiques, le budget de l’agriculture et de l’industrie en gagne cinq ou six ?

V.

Dans l’union commerciale de la Belgique avec la France, les moyens d’exécution sont la principale difficulté. Cette difficulté, que nous sommes fort éloigné de juger radicale, a paru insoluble à des hommes d’ailleurs très éclairés. Le discours de M. d’Argout (12 janvier 1842) expose cette opinion dans sa forme la plus absolue :

« La perception des droits de douanes, dit le noble pair, ne peut être assurée qu’autant qu’elle sera confiée à des agens français. Cette perception doit être opérée d’après les mêmes règles et les mêmes principes que ceux qui gouvernent le service des douanes sur nos propres frontières ; de là, la nécessité de soumettre exclusivement la direction du service sur les frontières belges à l’administration centrale des douanes françaises.

« La perception des droits de douane donne lieu assez fréquemment à des contestations ; il ne faut pas que des jurisprudences contraires s’établissent en France d’une part et en Belgique de l’autre ; de là, l’obligation de faire prononcer en dernier ressort par des tribunaux français, ou du moins de faire juger les pourvois par notre cour de cassation.

« Nous devons conserver la faculté de modifier nos tarifs selon les circonstances ; ces changemens doivent être simultanés en Belgique et en France ; de là, la nécessité de déposséder la législation belge du droit de prononcer sur ces changemens et de transférer ce droit à la législation française.

« Ces conditions, qui toutes sont indispensables à la sécurité de nos finances, condamneraient le gouvernement belge à l’abandon de son indépendance admi-