Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 32.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
71
DE LA POÉSIE FINLANDAISE.

encore qu’une partie des récits populaires qui servaient de base à son système, et Portan lui-même, cet homme si dévoué à l’étude de la langue, de la littérature, de la poésie finlandaise, n’avait fait qu’entr’ouvrir l’écorce de l’arbre où il cherchait un suc vivifiant. Cependant, vers la fin du XVIIIe siècle, grace à l’intelligence, aux efforts de ces deux philologues, l’impulsion était donnée, la route était ouverte, la Finlande commençait à s’observer elle-même, et les anciens dieux de la nation, dépouillés de leur auréole, bannis de leur trône, proscrits comme des barbares par les scolastiques adorateurs des dieux d’Homère et de Virgile, reprenaient peu à peu quelques attributs de leur puissance première, et frappaient à la porte des académies.

Herder, en cherchant de côté et d’autre les productions naïves réunies dans ses Volkslieder, cueillit d’une main habile quelques fleurs finlandaises. Schröder publia, sous le titre de Finnische runen (Runes finlandaises[1], le texte original et la traduction de quelques traditions mystiques, de quelques chants modernes de la Finlande. Rühs écrivit une histoire de cette contrée, et traça un tableau caractéristique de sa mythologie et de sa poésie. Quand les étrangers donnaient eux-mêmes l’exemple, les hommes du pays ne pouvaient manquer de se mettre à l’œuvre. Ils s’y sont mis avec ardeur ; ils sont descendus dans l’intérieur des mines si long-temps abandonnées, et en ont tiré des trésors.

Une quantité de dissertations, d’analyses publiées dans les dernières années, jettent un nouveau jour sur les questions à demi dévoilées par les écrivains finlandais du XVIIIe siècle. Je citerai entre autres celles de MM. Gottlund[2], Siœgren[3], Arwidsson[4], Colan[5], et de plusieurs rédacteurs du Suomi[6]. M. Topelius s’est acquis un mérite plus grand encore en publiant un recueil de chants finlandais anciens et modernes, et en signalant les habitations lointaines où il les avait rassemblés. Après lui est venu le docteur Lœnrot, qui, profitant des indications de son devancier, s’est mis à la recherche de ces poésies du peuple, de ces traditions orales qui, peu à peu déjà, se disjoignaient, s’altéraient, s’en allaient de côté et d’autre à l’abandon, qui pouvaient se perdre à tout jamais, si l’on ne se hâtait de les reprendre et de les réunir par un même lien. Pendant des années entières, M. Lœnrot a erré à travers les cabanes les plus obscures, les districts les plus reculés de la tribu finlandaise, s’asseyant au foyer du paysan et du pêcheur, interrogeant le vieillard et l’enfant, écoutant d’une oreille attentive leurs récits, leurs souvenirs parfois incertains et confus, et recueillant d’une main tremblante d’émo-

  1. In-8o, Upsal, 1819.
  2. Forsök att forklara C. C. Taciti Omdœmen œfver finnarne, in-8o, 1834. — De Proverbiis fennicis, 1818 ; Ottava, 1838 ; Runola, 1840.
  3. Über die finnische Sprache und ihre Literatur, 1821.
  4. Divers articles dans les journaux littéraires de Finlande, et une traduction avec notes et commentaire de l’ouvrage de Rühs.
  5. Divers articles dans le Morgenblad, dont M. Colan est le rédacteur.
  6. Journal littéraire mensuel qui se publie à Helsingfors.