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ils ne les inventaient pas, mais ils les accueillaient sans examen, avec avidité, ils les propageaient avec empressement et satisfaction ; ce n’était pas de la perfidie, mais une crédulité peu bienveillante. Empressons-nous d’ajouter que ces remarques ne touchent en rien le cabinet anglais, en particulier lord Aberdeen. Si nous sommes bien informés, sa conduite et son langage à notre égard ont été dignes, sérieux, sensés, comme cela appartient à un gouvernement qui se respecte. Ce n’est pas lui qui a accueilli et répandu d’absurdes et ridicules bruits. Il serait seulement à désirer qu’il pût éclairer la crédulité de ses agens.

Après sa triste expédition, Espartero est rentré à Madrid. Que fera-t-il des cortès ? Au 31 décembre, la perception des impôts devient illégale, si un décret du parlement n’en autorise pas la continuation jusqu’au vote du budget. Espartero osera-t-il traiter l’Espagne entière comme il a traité Barcelone, la mettre hors la loi ?

Le meilleur moyen de se maintenir, ce serait de songer sérieusement au gouvernement du pays pour le tirer enfin de l’abîme où, malgré ses admirables ressources, l’ont précipité l’ignorance et l’esprit de parti. C’est au rétablissement de l’ordre dans les finances qu’il faut s’appliquer avant tout. Un pays qui ne vit que d’expédiens est toujours à la veille d’une catastrophe. Il serait si facile, avec un peu de bon sens et de raison, de préparer des jours meilleurs à un pays si richement doté de la nature !

M. Périer, secrétaire d’ambassade et chargé d’affaires à Saint-Pétersbourg, vient d’être nommé ministre plénipotentiaire à Hanovre. C’est une promotion méritée. M. Périer avait soutenu avec une dignité, une mesure, un tact parfaits, la position difficile qu’on avait voulu lui faire dans une ville qui, au point de vue de la société, n’est qu’un salon de la cour. Chose plaisante et inconcevable en tout autre pays, on ne voulait plus que le chargé d’affaires de France trouvât de la courtoisie à Saint-Pétersbourg. Mais manquer soi-même de courtoisie, cela n’est ni digne ni élégant. Qu’a fait le maître ? Il s’est réservé le beau rôle ; il faisait inviter le chargé d’affaires aux fêtes de la cour, il lui adressait la parole ; l’impératrice aussi lui faisait le même honneur avec toute la grace qui lui appartient. Le rôle disgracieux, désagréable, on l’a jeté aux sujets ; on les en a chargés. Dociles, obéissans, ils ont dû l’accepter et le jouer avec toute la raideur d’un soldat qui reçoit une consigne. Armés d’une colère qu’ils ne ressentaient pas, qu’ils n’approuvaient même pas, ils ont joué cette comédie avec un aplomb parfait. Les souvenirs de Paris, les liaisons personnelles, les habitudes de société, tout a été oublié à la minute, et la légation française leur est devenue aussi étrangère que les habitans du lazaret peuvent l’être à une ville de quarantaine. C’est un trait de mœurs parfaitement comique et si rare de nos jours, qu’il vaut la peine d’être conservé.

Nous n’avons pas encore parlé des îles Marquises. Nous ne voulons pas rendre un mauvais service au ministère, en faisant de cette petite affaire le sujet d’un dithyrambe. La vérité est que c’est une entreprise utile, sagement