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d’Andries, se calment par crainte de leurs maîtres ; puis, tout d’un coup, se jetant les uns sur les autres, ils se battent, se boxent, s’assomment, et enfin s’en vont laver leurs blessures à un ruisseau, sans rancune, meilleurs amis qu’auparavant, et si bien consolés que, tout triomphans des coups donnés et reçus, ils achètent à des sauvages leurs parasols de plumes d’autruches « faits en forme de panaches de catafalques, » et les attachent fièrement à leurs chapeaux.

Et peu à peu, à force de patience, voici la caravane rendue dans un pays tout différent, dans une grasse plaine couverte d’une herbe abondante émaillée de fleurs, où pousse l’acacia nommé mokalaa, dont les feuilles fines et tendres sont si recherchées de la giraffe. Là galopent les quaggas zébrés (equus quagga), les gnoos à tête droite (catoblepas gorgon) ; autour du lac salé de Little Chooi, les autruches et les gazelles viennent paître un herbage que refusent les animaux apprivoisés. Magnifique spectacle d’une nature riche, fertile, belle à voir, qui se couvre de verdure, loin des troupeaux et des bergers, pour nourrir les animaux, seuls maîtres de ces solitudes ; qui lance au milieu du désert des ruisseaux et des fleuves, afin que ces vallées soient arrosées et rafraîchies comme celles qui produisent les moissons et les fruits semés et plantés par la main de l’homme !

Quelques Barolongs et Batlaroos, de la famille dispersée des Bechuanas, vinrent en armes demander du tabac aux chariots, à la grande consternation du cuisinier Richard ; la frayeur lui donna une expression si grotesque, il enfonça son bonnet sur ses yeux et croisa ses bras avec une telle expression de désespoir, que nous le trouverons désormais désigné, par antiphrase, sous le nom de Cœur-de-Lion !

La chasse continuait, les quaggas, les gnoos, les gazelles, les hartebests (acronotus caama) tombaient sous le plomb des chasseurs ; la nuit, la chair de ces animaux attirait les hyènes ; le jour, les Bechuanas, sortant tout à coup comme de dessous terre, dévoraient la bête morte. Ces sauvages vont aussi, avec de maigres chevaux et des chariots disloqués, à la chasse de la giraffe et de l’élan ; des trous profonds, creusés et disposés en demi-cercle sur une étendue d’un mille, sont les piéges dans lesquels ils les poussent.

En-deçà de Siklagole-River, le pays n’offrait aucune trace d’habitans, bien que les ruines de gros villages se montrassent de tous côtés. Dans une chasse fantastique, comme celle de Pécopin, le capitaine Harris, après avoir chargé d’innombrables troupes de toutes espèces de gnoos, de zèbres et de hartebests, perdit sa boussole et