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chue. Dans sa lutte contre le principe de la matière, elle produit les mythologies, mais elle ne les traverse que pour les dépasser ; c’est pour elle le chemin et non pas le but. Les religions sont les anneaux d’une même chaîne, mais la dernière est essentiellement différente de celles qui l’ont précédée. Les dieux des mythologies n’existent que dans la conscience, et n’ont du reste aucune réalité. Le Verbe du christianisme apparaît en chair et se mêle aux hommes comme une personnalité distincte. Le christianisme n’est point la plus parfaite des mythologies ; il les abolit. Dans les mythologies, l’homme est désuni du vrai Dieu ; dans le christianisme, il lui est uni de nouveau ; il est réintégré dans l’harmonie, et comme autrefois souverain, non plus esclave de la nature.

Je devrais maintenant aborder avec M. Schelling les grands problèmes d’une philosophie de la révélation. J’ai dit ce qui m’empêchait de le faire. Il suffit de savoir qu’il admet tous les dogmes de l’église, l’incarnation, la résurrection, l’ascension ; l’Évangile n’est plus un mythe ; il demeure une histoire au sens réel du mot. La religion ne sera point dépossédée par la philosophie ; mais le dogme, au lieu d’être imposé par une autorité extérieure, sera librement compris et accepté par l’intelligence. La foi ne disparaîtra pas devant la raison, elles seront désormais conciliées. De nouveaux temps s’annoncent. Le catholicisme relevait de saint Pierre ; la réforme, de saint Paul, qui, sans la tradition, fut immédiatement éclairé de Dieu ; l’avenir relèvera du disciple préféré, de saint Jean, l’apôtre de l’amour, et nous verrons enfin la victoire complète du christianisme, l’homme affranchi de toutes les servitudes, et d’un bout de la terre à l’autre les peuples prosternés dans une même adoration, unis par une même charité.

Tout le système de M. Schelling est une apologie du christianisme. Méthode historique, conception d’un dieu personnel et d’une création libre, théorie des mythologies, tout concourt également à cette fin. Contestez à M. Schelling la vérité du christianisme, et sa philosophie est entièrement ébranlée ; réfutez-le sur ce point, le reste croule aussitôt : il n’en subsiste plus rien. Ceci nous fera sentir la justesse de l’appréciation que M. Leroux a prétendu faire de M. Schelling. M. Leroux entreprenait une œuvre difficile ; il n’avait guère pour renseignement qu’une lettre insignifiante de la Gazette d’Augsbourg. Il en fut conclu que M. Schelling, le plus illustre philosophe de son pays, était, ou peu s’en faut, en Allemagne ce que M. Leroux est en France : c’est une méprise. Pour ne pas parler de ce que j’ignore,