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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

la skoupchtina avant l’époque accoutumée : il l’ouvrit lui-même le premier jour de l’an 1811, et profitant de l’absence des voïevodes, qui ne voulaient point paraître à la diète sans le régiment russe, il fit voter qu’à l’avenir les voïevodes seraient entièrement arrachés à la suprématie des hospodars et gouverneurs locaux, qu’ils ne dépendraient plus du sénat que dans les affaires civiles, et relèveraient militairement du grand chef. Ensuite, pour que ce dernier pût efficacement protéger les petits chefs, George se fit investir par le peuple de tout le pouvoir exécutif de la république. Quant au sénat, il resta divisé en deux corps suprêmes, l’un rigoureusement législatif, l’autre formé par les ministres de la guerre, de la justice, des cultes, des finances, de l’intérieur et des affaires étrangères ; ces six ministres furent Mladen, Sima Markovitj, Dosithée Obradovitj, tous trois pour George et le peuple, puis Jacob, Milenko et Peter Dobriniats, tous trois pour les hospodars. On gardait ainsi un équilibre apparent entre les deux partis, mais le ministère important, celui de la guerre, était donné à Mladen. Enfin, après avoir voté l’exil ipso facto contre ceux qui résisteraient à ce nouvel ordre de choses, l’assemblée se dispersa. Quand les hospodars arrivèrent avec le régiment russe, la diète avait terminé ses séances. Déjà ébranlés par la perte de leur député Milane, qui venait de mourir à Boukarest, ils furent déconcertés par les mesures de l’assemblée. Jacob, leur chef, lassé de ses longues luttes civiques, se soumit à l’ordre nouveau, maria son fils à la fille de Mladen, et s’assit tranquille au sénat.

Dobriniats et Milenko étaient seuls restés dans l’opposition ; ils s’associèrent le plus riche citoyen de Belgrad, Stephane Jivkovitj, et on put craindre de les voir, avec leurs cliens, assaillir et tuer Mladen, dont Jivkovitj avait été autrefois le concurrent. Miloch, qui venait d’hériter du pouvoir de son frère défunt Milane, offrait de leur amener deux mille montagnards pour culbuter le nouveau gouvernement et assurer le triomphe du parti des hospodars ; mais Dobriniats et Milenko découragés passèrent le rude hiver de 1811 tranquilles dans leur konak de Belgrad, prenant part, comme de bons patriotes, aux fêtes de leurs adversaires triomphans.

Les deux sénateurs dînaient un jour chez le ministre Mladen avec George-le-Noir et Balla, colonel du régiment russe amené à Belgrad par les hospodars. Désirant connaître les instructions données par la Russie à ses agens, George feignit d’être irrité contre Milenko, que la voix publique accusait d’aspirer à la dictature ; il parla de le faire arrêter. Balla intercéda, George prit en main son bonnet, et