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LE SALON.

ne valent pas une expérience. On craint deux choses, l’encombrement et la déconsidération de l’art par la prédominance des mauvais ouvrages. La première difficulté n’est pas sérieuse. Le Louvre est grand ; en 1824, on y reçut trois mille morceaux ; ses salles en contiendraient facilement le double. La seconde est plus grave. Tout accepter, c’est ôter quelque chose au prestige d’une exposition où ne figurent que des œuvres de choix ; l’admission est déjà par elle-même une distinction, un privilége. L’irruption de la foule dans ce sanctuaire le transformerait en un bazar, en un magasin ; le but de l’exposition, qui est comme une représentation au bénéfice de l’art, serait manqué. Cette objection serait très forte et peut-être invincible, s’il n’y avait un moyen assez simple de tout recevoir sans ôter à l’exposition son caractère et son effet. Il ne faut pour cela que donner une extension systématique à un usage déjà existant, le classement des ouvrages dans le Louvre. Tout le monde sait qu’il y a dans le local actuellement destiné à l’exposition des places réservées ; le salon carré, par exemple, est proprement la salle d’honneur. Les morceaux qui y sont installés sont, par ce fait seul, désignés comme des œuvres d’élite, et cette distinction exprime tacitement, de la part des ordonnateurs, des préférences qui sont des jugemens. Après le salon, et presque sur la même ligne, vient la première travée de la galerie, et ainsi du reste. L’admission pure et simple n’est donc pas la seule marque de la distinction ; elle n’est que la première ; il y en a une seconde, souvent plus significative encore, la place. Eh bien ! pourquoi n’essaierait-on pas de généraliser cette pratique, de la réduire en méthode et de l’appliquer en grand à tous les ouvrages présentés ? Pourquoi n’établirait-on pas deux catégories de salles correspondant aux deux catégories de talens et de mérites qu’il s’agit de classer. La disposition du Louvre est tout-à-fait favorable à une distribution de ce genre. La grande galerie et ses annexes immédiats seraient de droit considérés comme les salles d’honneur ; d’autres, telles que celles du musée Charles X, du musée espagnol, seraient censées le sepulchrutum des œuvres d’un rang inférieur. Cette séparation équivaudrait par l’effet moral à l’exclusion. Le jury conserverait ses fonctions, qui aquerraient un nouveau degré d’importance et de gravité. Ses décisions n’étant plus secrètes, mais exposées, avec les ouvrages, au grand jour de la publicité, et sujettes à être cassées par le tribunal suprême de l’opinion, il mettrait plus de rigueur dans ses opérations. Il remplirait toujours sa tâche de juge, mais on saurait du moins ce qu’il fait, et il ôterait,