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LES DEUX RIVES DE LA PLATA.

dernier ressort, malgré toutes les protestations de la partie adverse, qui n’a pas toujours été assez scrupuleuse dans le choix des moyens d’attaque et qui pourtant n’en a pas mieux réussi.

Notre intention n’est pas non plus de donner de longs détails sur le passé de Buenos-Ayres et de Montevideo, et par là nous entendons non-seulement le passé déjà ancien, mais encore le passé d’une date récente. Ce n’est pas une histoire, même abrégée, des deux républiques de la Plata que nous voulons écrire : ce sont tout simplement quelques souvenirs que nous livrons au courant de la publicité. L’autre tâche serait trop vaste, et, si nous en croyions notre expérience personnelle, nous dirions qu’il est maintenant impossible de l’exécuter de manière à satisfaire les esprits sérieux. Aucune partie de l’histoire contemporaine ne présente plus d’obscurités et moins de documens connus ou accessibles pour y porter la lumière. Quelques explications suffiront au passage pour faire comprendre les évènemens du jour, dont nous aurons à parler, ou plutôt pour éclairer nos observations générales sur l’état du pays.

Maintenant nous pouvons entrer en matière. Mais on nous permettra de n’établir d’avance aucune division rigoureuse, n’ayant à présenter qu’un tableau dont les diverses parties se tiennent et naissent les unes des autres sur un fond commun, dans la même atmosphère politique et sociale.

Le fleuve de la Plata, formé par la réunion du Parana et de l’Uruguay, au-dessous de l’île de Martin-Garcia, sépare deux états, dont l’un s’appelle officiellement la Confédération Argentine, et l’autre la République Orientale de l’Uruguay. Montevideo est la capitale de ce dernier. Buenos-Ayres a été constitutionnellement la capitale du premier ; aujourd’hui Buenos-Ayres n’est plus que la capitale de la province du même nom, province dont le gouvernement est chargé des relations extérieures de toutes les autres. Nous dirons tout à l’heure combien la réalité s’éloigne des apparences et de la titulature officielle, en ce qui concerne le pouvoir de Buenos-Ayres sur les provinces dites confédérées. Quand on arrive par mer dans cette partie de l’Amérique du Sud qu’on pourrait appeler le bassin de la Plata, la ville de Montevideo se présente la première sur la rive gauche du fleuve, dont la largeur est encore là de près de vingt lieues. Buenos-Ayres est à quarante lieues plus haut, sur la rive droite, et néanmoins, à une si grande distance de son embouchure, le fleuve y conserve dix lieues de largeur ; car la nature a travaillé dans le Nouveau-Monde sur une échelle gigantesque, ce qu’il ne faut jamais