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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/345

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LETTRES SUR LE CLERGÉ.

se défendre. Le clergé aura-t-il à s’applaudir de ses provocations ? Nous ne le pensons pas. Quelque chose qui arrive, il ne pourra s’en prendre qu’à lui-même, car il a commencé, et, pendant long-temps, il a continué seul les hostilités. Jamais le pays n’avait montré autant de tolérance et de modération.

Si l’on devait peindre l’esprit français, si l’on voulait exprimer par un mot le caractère national, il suffirait de citer le messieurs, tirez les premiers, de Fontenoy. C’est là, à mon avis, le mot le plus éminemment français qui ait été jamais prononcé. Le mépris de la mort et l’exaltation chevaleresque du moyen-âge, la politesse exquise de la cour de Versailles, se résument dans ce mot, que les Grecs, si connaisseurs en beauté morale, nous auraient envié. Si au milieu de nos luttes politiques cette urbanité avait pu recevoir quelque atteinte, ne devait-on pas penser que les bonnes traditions se conserveraient chez des personnes qui, par leurs regrets opiniâtres, s’efforcent de rappeler un passé qui est déjà éloigné de nous ? Malheureusement il n’en est pas ainsi, et tout le monde a pu remarquer que les journaux légitimistes se dont distingués entre tous par la violence des attaques comme par la crudité de l’expression, et que, parmi ces journaux, les plus emportés sont ceux qui se donnent spécialement pour les soutiens de la religion. Personne n’a été épargné : il aurait été pourtant de bon goût de montrer de la modération et de l’urbanité, car on n’ignorait pas qu’à l’occasion les jésuites savaient dire de grosses injures aux gens, et l’on aurait aimé, au moins pour la nouveauté du fait, à les entendre discuter avec calme et politesse les argumens de leurs adversaires. Loin de là, ils ont jeté les hauts cris, ils ont redoublé de colère, et, ne pouvant pas obtenir d’une génération fort indifférente à tout qu’elle s’intéressât à des questions sur lesquelles l’opinion est fixée depuis long-temps, ils se sont livrés aux personnalités les plus étranges, espérant troubler ainsi le sommeil des gens qu’ils attaquaient. La France connaît à peine ces publications, qui sont pourtant bonnes à lire, car elles manifestent les tendances des gens qui dirigent actuellement le clergé. Permettez-moi, monsieur, de vous en donner ici quelques morceaux.

Dans le nombre presque infini de ces écrits, dans cet amas incroyable d’injures et de calomnies, je dois choisir, et me restreindre pour ne pas lasser votre patience. Je vous ai déjà fait remarquer les services que la nouvelle philosophie avait rendus à la religion, et pourtant c’est contre la philosophie spiritualiste que l’on s’est surtout acharné. À mon avis c’était là, de la part du