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LES CHEMINS DE FER.

de la Flandre sur le bourg de Watten, d’où il se bifurquerait vers Dunkerque et vers Calais.

L’économie du projet de loi, sous ce rapport, a soulevé de vives réclamations. En faisant passer par Amiens la grande artère des voies de fer destinées à mettre Paris en communication avec Londres et avec Bruxelles, on avait déjà immolé l’intérêt des villes situées dans la direction de Compiègne, Saint-Quentin et Cambrai, qui sont, depuis un temps immémorial, en possession du transit entre la France et la Belgique. Si l’on prolonge maintenant la ligne anglo-belge dans la direction d’Arras, de Béthune, de Saint-Omer et de Calais, l’intérêt d’Abbeville et surtout celui de Boulogne vont se trouver sacrifiés.

Le sacrifice est douloureux ; nous aurions voulu cependant que le gouvernement le fît avec plus de courage et qu’il n’en rejetât pas la responsabilité sur la compagnie. L’état crée les chemins de fer dans un intérêt général, et il ne peut pas en donner à toutes les localités ; mais, lorsqu’il exclut un centre important de population ou d’industrie, il se doit à lui-même de décliner ses motifs de préférence et de les défendre publiquement. Voici les phrases embarrassées et tortueuses que renferme l’exposé du projet de loi :

« Si l’on s’occupe exclusivement des relations de la France avec l’Angleterre, de Paris avec Londres, évidemment la ligne d’Amiens à Boulogne doit être préférée ; c’est celle qui offre le tracé le plus court et le plus économique

« Si, au contraire, l’on tient surtout à établir, à travers notre territoire, une double communication de la France avec l’Angleterre, et de l’Angleterre avec la Belgique, alors il n’est pas douteux que Calais ne doive obtenir la préférence : c’est, en effet, lui qui satisfait le mieux à ce double intérêt. Ostende et Anvers, au moyen de la voie de fer qui les reliera bientôt à la ligne du Rhin, tendent chaque jour à déshériter les ports français du transit de la mer du Nord sur l’Allemagne ; une voie de fer dirigée de Calais sur Lille et sur Paris et communiquant avec Dunkerque peut seule arrêter ce mouvement funeste à la prospérité de la France. Il faut donc exécuter cette voie…

« S’il avait été possible de présenter à la fois une triple communication avec le littoral, le gouvernement aurait pris sur lui de joindre à la direction qui est l’objet du traité soumis à vos délibérations une ligne se détachant de la ligne principale à Amiens et aboutissant à Boulogne par la vallée de la Somme… Cette possibilité n’existera