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tion ; il souscrivit à toutes les demandes. Il se montrait enchanté que tout fût fini, et se plaisait à se montrer à nos Français dans son uniforme de feld-maréchal, présent du roi d’Angleterre. Sa tournure n’était point empruntée ; il portait fort bien cet habit. Un peu ramassé dans sa taille, il avait une physionomie pleine d’intelligence et un visage moins cuivré que celui de ses sujets. Les officiers de sa cour étaient revêtus de fracs de diverses coupes, français, espagnols et anglais. On ne saurait se faire une idée du maintien aisé et des manières décentes de ces hommes, hier sauvages. Il y a en eux un tact et un sentiment des convenances qui étonnent. Le roi vint visiter la frégate, et y accepta une collation offerte par le commandant. Jamais on ne l’avait vu aussi heureux, aussi gai ; on eût dit qu’il respirait plus à l’aise loin du joug des missionnaires. Il examina en connaisseur les détails d’armement et d’installation, fit sur ces divers objets des observations fort justes, et ne quitta le bord que vers quatre heures du soir.

Pendant le séjour du roi sur la frégate, les marins de l’Artémise eurent tout le temps d’admirer la double pirogue qui l’avait amené, et qui se livrait à des évolutions brillantes autour du bâtiment de guerre. C’était une magnifique barque longue de quarante-cinq pieds et montée par quarante naturels couronnés des plumes jaunes de l’ivi, oiseau charmant, et qui de jour en jour devient plus rare. Les officiers de la pirogue, en uniformes européens, se tenaient à cheval sur une planche garnie de belles nattes qui règne sur toute la longueur Ce contraste des deux costumes était d’un effet singulièrement pittoresque, et le mouvement cadencé des pagaïes rappelait les procédés de navigation que Bougainville et Cook ont si bien décrits. Les extrémités de la barque, en queue de poisson, étaient ornées de nacre de perle et de sculptures à jour. L’ensemble se distinguait par un goût délicat, et cette élégance n’excluait pas la solidité. Cette pirogue ramena rapidement le roi au débarcadère, et peu de jours après l’Artémise quitta cette côte où elle venait de laisser un souvenir durable de notre puissance.

Pour terminer l’histoire de la crise catholique qui a agité l’archipel des Sandwich, il nous a fallu abandonner un instant la Vénus et son itinéraire. Nous retrouvons cette frégate au Kamtschatka, et mouillée dans la baie de Pétropawlowski, vers les premiers jours de septembre. Les sites qui entourent ce bassin ont le charme particulier aux paysages du Nord. Sur une côte fort inégale apparaissent tantôt des promontoires escarpés, tantôt des anses tranquilles qui aboutissent