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VOYAGE AUTOUR DU MONDE.

à de jolis vallons. À cette époque de l’année, une végétation magnifique couvre les reliefs et les pentes du terrain. Un ou deux plans de collines verdoyantes semblent s’adosser, à l’horizon, à des sommets volcaniques que couronnent la neige et la fumée. Rien de plus vaste, rien de plus sûr que cette rade ; toutes les flottes du monde y tiendraient à l’aise. Cependant la solitude seule règne dans cet espace ; au mouillage, pas un navire ; à terre, pas une hutte, pas une maison, si ce n’est le village où réside le gouverneur-général du Kamtschatka. C’était alors M. Shakoff, qui se montra animé, vis-à-vis de nos officiers, d’une bienveillance extrême. À peine la Vénus reposait-elle sur son ancre, qu’elle reçut de la part du gouverneur deux veaux, un bateau chargé de saumons, et une grande quantité de légumes de son jardin. Ces procédés ne se démentirent pas, et, pendant le séjour qu’elle fit dans cette baie, l’expédition n’eut qu’à se louer des attentions de toutes les autorités russes.

De ce point du mouillage que l’on nomme la baie d’Avatscha, il était impossible d’apercevoir Pétropawlowski, la capitale du Kamstchtka ; elle était cachée par la presqu’île qui ferme le port. Le mot de capitale est du reste bien ambitieux pour un groupe de petites maisons en bois, couvertes d’herbes sèches et entourées de cours et de jardins palissadés. Une église d’un effet pittoresque occupe le fond même du vallon : elle est desservie par un évêque ou proto-pope. La ville n’a que trois rues dignes de ce nom, et la plus spacieuse aboutit au palais du gouvernement, qui ne se distingue des autres demeures que par son étendue. Les maisons, construites sans alignement suivi ; sont toutes en bois et sans étages ; elles sont faites de troncs d’arbres liés par des entailles et superposés de manière à former les côtés de la maison ; on les recouvre en bardeaux, que l’on tapisse ensuite de joncs. Au milieu de l’aire des habitations, on bâtit en terre ou en briques un énorme poêle qui en chauffe tout l’intérieur au moyen de quelques dispositions ingénieuses. Ces demeures sont divisées en trois ou quatre pièces, l’une pour les filets et les ustensiles de pêche, l’autre qui sert de salon et de salle à manger, les autres de chambre à coucher. Les appartemens reçoivent le jour par une ou plusieurs fenêtres à double châssis garnis de carreaux de verre ou de talc. Une forte odeur de poisson séché, qui envahit jusqu’aux rues, trahit l’occupation des habitans. Pétropawlowski est en effet habité par des pêcheurs ou des chasseurs, et ces deux industries y forment la base des échanges. Le poisson sec, les martes et les autres fourrures y ont cours comme la monnaie ; les marchands