Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/587

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
581
VOYAGE AUTOUR DU MONDE.

quièrent l’importance que l’avenir leur réserve, si les pionniers descendus des Montagnes Rocheuses fondent sur la côte nord-ouest de l’Amérique des colonies florissantes, si la Russie complète cette chaîne de comptoirs qui s’étend du Kamtschatka à la Bodega en passant par les îles Kouriles et Aleutiennes, si la Chine et le Japon renoncent au système d’isolement qui les frappe d’inertie, si de vastes territoires aujourd’hui à demi peuplés ou livrés à des races impuissantes comme la Nouvelle-Zélande et l’intérieur de l’Australie, la Nouvelle-Guinée, la Nouvelle-Louisiane, la terre des Papous, les îles Viti, les Nouvelles-Hébrides, la Nouvelle-Calédonie, enfin si les nombreux archipels dont cette vaste étendue d’eau est semée deviennent le siége d’une civilisation industrieuse et d’une exploitation intelligente, il est évident que les îles de la Société et les îles Marquises, comprises dans ce rayon d’activité, participeront aux bienfaits de cette existence nouvelle, et ne seront ni les moins heureuses ni les moins favorisées de ces Cyclades océaniennes. Nulle part la nature, en secouant les plis de sa robe, n’a répandu plus de germes puissans qui ne demandent qu’à être fécondés. Mais, en supposant que tout ceci s’accomplisse, il ne reste toujours à la France que la gloire d’avoir créé au loin une richesse indépendante de la sienne et qui ne gravite pas dans la même orbite. L’ouverture de l’isthme de Panama ne suffirait pas pour rattacher vigoureusement les groupes français de la mer du Sud à l’activité de la métropole. La question des distances dominerait toujours celle des relations. C’est ce que le ministre de la marine a fort bien compris en demandant pour les établissemens nouveaux la liberté des échanges. À six mille lieues, il n’y a pas de pacte colonial possible : il ne faut songer qu’à des ports francs ouverts à tous les pavillons.

La seconde fiction à écarter est celle du maintien de l’état mixte que l’on a désigné sous le nom de protectorat. En acceptant cette situation, le gouvernement français a cru qu’il lui serait possible de naturaliser dans l’archipel de la Société un régime qui fonctionne dans l’Inde sous les Anglais, et dans les îles de la Sonde sous les Hollandais. Ce régime est celui des princes que l’on nomme médiatisés, et qui règnent sous le bon plaisir des deux puissances protectrices. Il y a peut-être là-dessous une illusion fâcheuse. Si les Anglais et les Hollandais ont recours à ce patronage indirect, c’est que l’étendue des territoires soumis ne leur permet pas d’exercer partout la souveraineté directe. Ils y voient un pis-aller, rien de plus. D’ailleurs, les