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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/686

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ment et de bien écrire. Après des conversations multipliées et longues, on se trouve vide, on se sent appauvri. Dans cet état, l’ame n’a plus cette altière vigueur nécessaire à l’écrivain, à l’artiste, et avec la fatigue que peut-on créer ? Les occupations et les triomphes de salon défendent donc aux femmes de s’engager dans ces entreprises épineuses où les efforts opiniâtres d’une pensée sévèrement recueillie en elle-même sont à peine des garanties suffisantes contre de dangereux écueils. Ici c’est la force des choses qui prononce, les facultés humaines ont leurs limites et leurs applications diverses. Aussi les femmes, qui charment tout ce qui les entoure par les dons naturels de l’esprit et de la beauté, peuvent se tenir pour satisfaites d’un pareil partage, et elles ne doivent pas aspirer à donner au genre humain des leçons sur les sujets les plus difficiles.

En tranchant ainsi la question que nous avons posée plus haut, nous n’oublions pas que nous avons à entretenir nos lecteurs de deux livres fort sérieux dont deux femmes sont les auteurs. C’est à dessein qu’avant d’aborder l’examen de ces deux productions, nous avons donné les raisons générales qui nous paraissaient former comme une fin de non-recevoir contre l’ambition philosophique des femmes. Entre autres mérites, les raisons générales ont celui de n’avoir rien qui puisse blesser qui que ce soit ; elles s’adressent à tous et ne tombent sur personne. D’ailleurs ce procédé avait ici un autre avantage. En effet, si les deux livres dont nous allons parler ont une valeur véritable, l’honneur qui doit en revenir à leurs auteurs sera d’autant plus grand, qu’on pourra considérer ce succès comme une exception à l’ordre naturel des choses. Si, au contraire, nous sommes, bien à regret, obligé de reconnaître que dans ces tentatives il y a plus de témérité que de bonheur, les traits de la critique se trouveront déjà sensiblement amortis, puisque ses décisions seront en partie comme une conséquence inévitable d’observations générales. En nommant les deux dames qui viennent d’aborder les plus hauts problèmes de philosophie religieuse, nous ne commettons pas d’indiscrétion ; on a parlé de leurs ouvrages dans tous les salons, et leur nom n’est plus un mystère. C’est de la part de ces dames un scrupule plein de délicatesse de n’avoir pas elles-mêmes inscrit leur nom sur les livres qu’elles nous donnent ; mais la critique fera son devoir, et témoignera de son respect pour les intentions sérieuses des deux auteurs, en contribuant à leur procurer cette notoriété que les écrivains, quels qu’ils soient, désirent toujours avec ardeur, même en paraissant la fuir.