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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/710

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les Védas et les livres des mages, l’Iliade. De l’Arabie inférieure part l’idée nouvelle ; elle passe par l’Égypte et va trôner dans le temple du Christ. Un ou deux siècles plus tard, une horde de barbares venue des confins de la mer Caspienne s’abat sur la Morée, et finit par s’établir dans la ville de Constantin. Les disciples de Mahomet, dès le commencement, savaient la doctrine chrétienne, et, par suite des croisades et de la fondation des principautés franques en Syrie, ne pouvaient manquer de perdre insensiblement quelque peu de leur ancien caractère. Quant à la race turque, son origine tartare touche de bien près à celle des Huns, et peut-être pourrait-on trouver entre Othman et Attila un certain degré de parenté lointaine. La constitution du monde politique et commercial au moyen-âge amenait nécessairement une collision constante entre l’Occident et une partie de l’Orient. Une portion de l’Espagne obéissait aux Maures ; les républiques italiennes, quand elles ne se battaient pas contre les infidèles, faisaient avec eux un commerce considérable ; les Français, dans la Morée, ne pouvaient éviter certains rapports avec les Turcs, que l’Allemagne, d’un autre côté, avoisinait par la Hongrie.

Tous ces rapprochemens avec les peuples de l’Europe produisirent chez les descendans du prophète certaines modifications que l’on chercherait en vain chez les habitans de la haute Asie. Or, il est à remarquer que lord Byron choisit tous ses personnages parmi cette grande famille mahométane dont le sang s’est mêlé plus ou moins à celui des Espagnols, des Grecs et des Franks. Tous ses héros appartiennent à ces races turbulentes et vagabondes qu’il a pu voir lui-même autour du vieux pacha de Janina, et dont les instincts aventureux et quelque peu bohêmes ne sont peut-être pas si mal rendus dans les pages du noble lord. Avec Moore, le cas est tout autre : il ne sort pas du haut Orient, de la Perse et de l’Inde, du Candahar et du Khorassan. Il place toutes ses scènes dans le pays même de Brahma et de Zoroastre, dans l’Orient mystique, contemplatif et grave, dont les volumes sacrés étaient, il n’y a guère plus de cent ans, encore vierges de tout regard indiscret ou profane. Lalla Rookh, d’un bout à l’autre, se joue au sein de l’Hindostan, dont, à dire vrai, l’islamisme est la religion d’état, mais un islamisme aussi éloigné du fanatisme guerrier de la Mecque que les cérémonies sans faste d’une église scandinave peuvent l’être des pompes de la chapelle Sixtine. Il y a dans cette vieille terre de l’Inde, où la nature remplace Allah et où le panthéisme se retrouve au fond de tous les cœurs, quelque chose de vaste, de solennel et de mystérieux qui résiste aux sollici-