faites pas appeler maîtres, dit Jésus dans l’évangile selon saint Mathieu : vous n’avez qu’un maître, qui est le Christ, et vous êtes tous frères. » En vain le pape, se prétendant successeur de saint Pierre, affirme-t-il que Jésus a établi saint Pierre au-dessus des apôtres. On a détourné le sens de toutes les expressions par lesquelles on s’imagine que la suprématie a été attribuée à saint Pierre. Est-il dans saint Paul ou dans saint Jean un seul passage où cette suprématie soit reconnue ? Comment le pape exercerait-il sur les autres chrétiens une autorité que saint Pierre lui-même n’a jamais eue sur saint Paul, ni sur saint Jean ?
Dans les temps de persécution qui suivirent les délibérations de Vicence, presque tous les sociniens manifestaient l’espérance que le règne du Verbe se réaliserait dans ce monde ; mais qu’on ne se hâte point de les accuser d’un mysticisme si peu compatible avec l’idée capitale de leur doctrine : par le règne du Verbe sur la terre, ils entendaient le triomphe définitif de leurs principes et de leurs opinions, qui, à les entendre, devait ramener l’église primitive. On voit déjà quelles modifications le culte chrétien devait subir sous l’empire d’une pareille métaphysique : les sociniens le réduisirent par la suite à la prière et au prêche. Ils admirent la cène, non plus comme un sacrement, mais comme une cérémonie qui devait, dans tous les souvenirs, perpétuer la passion du rédempteur.
De ses idées sur l’unité de Dieu, l’assemblée de Vicence inféra naturellement la liberté de l’homme. L’unité de Dieu, la liberté de l’homme abandonné à sa seule puissance, ce sont là les deux points fondamentaux, les deux points essentiels de la doctrine socinienne. Pour rendre à l’esprit l’énergie et l’indépendance que lui enlevait le fatalisme luthérien et calviniste, l’assemblée rejeta avec indignation la prescience divine des faits de la volonté, l’influence immédiate exercée par Dieu, de façon à déterminer les actes, sur les consciences. Comme Pélage, ce moine breton qui, au ive siècle, souleva une si générale réprobation dans l’église, les sociniens supprimèrent le dogme de la déchéance originelle, ils nièrent formellement la nécessité de la grace et jusqu’à la nécessité du baptême ; le baptême n’étant plus un sacrement de régénération, mais, si nous pouvons parler ainsi, une simple occasion de confesser publiquement le nom de Jésus-Christ, il n’y avait que les adultes qui fussent en état de le recevoir. « Le baptême qui nous sauve, dit saint Pierre dans sa première épître, est l’engagement d’une bonne conscience devant Dieu. » Tolérans envers toutes les religions, ils élargirent les voies du salut et ne firent aucune difficulté d’y admettre les hommes de toutes les opinions, de toutes les communions, de toutes les sectes, catholiques, protestans, philosophes, juifs, mahométans, idolâtres. De là leur vint ce nom de latitudinaires sous lequel les désignent la plupart de leurs adversaires dans les controverses du xviie siècle. Destituant la morale de la sanction que lui imprimaient la loi de Dieu et la loi des hommes, ils effacèrent de la première les peines éternelles, de la seconde la peine de mort. L’anéantissement absolu était le seul châtiment qui, après la vie temporelle, fût infligé aux plus