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LETTRES SUR LE CLERGÉ.

les séminaires. Malgré l’immense danger que l’emploi de ces livres présente, le gouvernement se trouve dénué de moyens pour faire cesser ce scandale. Les évêques, comme de raison, ont pris parti pour le probabilisme, et la théorie des restrictions mentales continue d’être enseignée. Il ne restait au ministère qu’à citer l’abbé Rousselot devant les tribunaux pour outrage aux mœurs ; mais ce moyen extrême était, il faut le reconnaître, d’un emploi fort délicat, car, en admettant même une condamnation, le livre flétri par les tribunaux aurait très probablement servi toujours de texte dans l’intérieur des établissemens ecclésiastiques où l’autorité civile ne saurait exercer aucune espèce de contrôle, et M. Rousselot, admis aux honneurs du martyre, n’aurait fait que grandir dans l’opinion de ses collègues. Pourtant le gouvernement aurait trouvé dans le verdict du jury une force immense pour demander aux chambres un moyen de pénétrer dans les séminaires et d’en arracher ces catéchismes d’impureté.

Si les preuves alléguées pour démontrer l’existence des jésuites en France n’étaient pas suffisantes, l’ultra-montanisme qui fait tous les jours de nouveaux progrès dans le clergé, l’horreur profonde que l’on témoigne dans les journaux ultra-catholiques pour les libertés de l’église gallicane et pour la célèbre déclaration de 1682, œuvre immortelle de Bossuet, prouveraient seuls la présence des jésuites au milieu de nous. Pourquoi faut-il que la congrégation fasse oublier au clergé français ses glorieux précédens ? Et pourtant, qu’il le sache bien, c’est uniquement en restant gallican, c’est en repoussant toute suggestion étrangère qu’il pourra reprendre son autorité.

À présent, monsieur, nous avons de quoi convaincre les plus incrédules. Oui, les jésuites sont en France : non-seulement cela résulte de leurs aveux répétés, mais on les reconnaît à leurs œuvres, à la violence de leur polémique, à l’agitation qu’ils répandent dans le pays, à l’oppression qu’ils font peser sur le clergé, à leur morale tant de fois flétrie et qu’ils n’abandonnent jamais, au probabilisme, à leurs célèbres restrictions mentales, à leur aversion contre les libertés de l’église gallicane. Oui, ils sont au milieu de nous, autour de nous ; ce sont toujours les mêmes hommes, ils ont les mêmes doctrines, et ils amènent les mêmes dangers. Ceux qui douteraient encore auraient des raisons pour ne pas vouloir se rendre à l’évidence.

Ce ne serait pas assez d’avoir prouvé l’existence des jésuites, si