Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/244

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
238
REVUE DES DEUX MONDES.

es déterminée à ne pas retourner à Douai avant d’avoir vu toutes les curiosités de Paris, depuis la coupole du Panthéon jusqu’aux Catacombes. Qui t’accompagnera dans ces excursions ? Ton frère ? Il est trop jeune et trop étourdi pour qu’on te confie à sa garde. Ton père ? Il va être complètement absorbé par la chambre. Ta tante ? L’emploi de ses journées est fixé invariablement, et cela la dérangerait beaucoup de t’accompagner. Je ne vois donc que moi qui puisse convenablement te servir de cicérone ; mais peut-être la compagnie d’un vieillard te paraîtra-t-elle ennuyeuse ?

— Ennuyeuse, mon oncle ! c’est intéressante, c’est charmante, qu’il faut dire. Je voudrais faire avec vous le tour du monde.

— En ce cas, nous pourrons faire de temps en temps, non pas le tour du monde, mais un tour dans Paris, et si, toujours par hasard, le beau jeune homme dont nous parlions tout à l’heure se trouvait quelquefois sur notre passage, je ne vois pas trop non plus ce qu’on pourrait trouver à dire à ces rencontres tout-à-fait fortuites, qui d’ailleurs auraient pour sauvegarde ma présence.

— Mon oncle, voulez-vous que je vous embrasse ? dit Henriette avec un sourire de bonheur.

— Si je le veux ? Oui, pardieu ! répondit le vieillard, qui serra sa nièce dans ses bras avec une affection paternelle. Maintenant, mon enfant, reprit-il, va te coucher et fais de beaux rêves. Surtout, que je ne te voie plus pleurer.

— Jamais, mon oncle ; ce que vous venez de me dire me rend si heureuse !

— Surtout…

Le marquis n’acheva pas ; mais il désigna la porte qui conduisait à l’appartement de sa femme, et posa ensuite un doigt sur sa bouche.

— Ne craignez rien, répondit Henriette d’un air de malicieuse intelligence ; si vous avez un peu peur de ma tante, je ne suis pas plus brave que vous, et ce n’est pas moi qui trahirai nos secrets.

— C’est cela, dit gaiement le marquis en se levant ; dissimulons comme de vieux diplomates. Au fait, si nous lisons tous les soirs les journaux avec autant de fruit qu’aujourd’hui, nous ne pouvons pas manquer de devenir de profonds politiques.

L’oncle et la nièce se séparèrent presqu’aussi heureux l’un que l’autre.

— Quel excellent homme ! répéta plus de cent fois Henriette, qui dormit assez mal cette nuit-là.

— L’amour de ces deux enfans me rajeunit le cœur, disait de son