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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/248

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REVUE DES DEUX MONDES.

liaison avec un être de cette espèce ne pourrait que vous nuire. Tout le monde sait ou saura qu’il n’a pas osé se battre, et, à tort ou à raison, cela tue un homme, voyez-vous.

— Vous croyez, fit M. Chevassu, qui déjà subissait l’ascendamt de sa sœur.

— J’en suis sûre, et la preuve, c’est que je ne le recevrai plus. Si vous m’en croyez, vous romprez aussi avec lui.

— C’est que, pas plus tard que le jour de mon arrivée, je lui ai fait une promesse formelle au sujet d’Henriette.

— Ne vous en a-t-il pas relevé lui-même par cette ignominieuse aventure ? Vous avez promis la main de votre fille à un homme honorable et non à un homme taré.

— Assurément, je l’ai entendu ainsi.

— D’ailleurs, qui est M. Dornier, pour avoir la prétention d’entrer dans une famille comme la nôtre ?

— Une famille qui compte quatre cents ans…

— Enfin, une famille fort considérée et fort ancienne, interrompit brusquement la marquise, à qui le mot roture était odieux ; avouez, mon frère, que votre M. Dornier est un petit compagnon à côté de vous.

— Certes, on ne fait pas des Chevassu comme on fait des pairs de France, dit le député du Nord en relevant sa cravate jusqu’à son oreille.

Au nom de Chevassu, Mme de Pontailly se pinça les lèvres avec une impatience mal déguisée.

— Voyons, dit-elle, il faut trancher la question. Conclurez-vous cette mésalliance ?

— À vrai dire, répondit M. Chevassu d’un air d’hésitation, je m’en soucie peu… Cependant un projet arrêté depuis long-temps… Dornier peut devenir un ennemi dangereux… C’est embarrassant de rompre ainsi brusquement…

— Je m’en charge, dit la marquise, donnez-moi carte blanche.

— Allons… puisque vous le voulez… j’y consens.

Mme de Pontailly sonna ; un domestique parut.

— Allez prier ma nièce de venir, lui dit-elle.

— Je crois que cette fois elle ne réclamera pas contre ma décision, dit M. Chevassu quand le domestique fut sorti.

Henriette entra dans le salon aussi émue qu’un accusé qui vient entendre la lecture de son arrêt.

Mme de Pontailly connaissait le goût de son frère pour les allocu-