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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/347

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REVUE. — CHRONIQUE.

ment incessamment dérangés, ne fonctionnerait guère et ne donnerait pas de résultats. En s’obstinant dans ces questions inopportunes, l’opposition se séparerait de plus en plus du pays, qui veut aujourd’hui une politique active, vouée aux affaires et au développement des forces nationales.

Les conservateurs, aidés par les fausses manœuvres de l’opposition, ont promptement rallié un nombre considérable de députés et assuré la prépondérance de leur parti dans la chambre. Il n’y a pas d’illusion possible : la majorité est aux conservateurs. Cette majorité est d’autant plus solide et certaine qu’elle n’est pas l’œuvre du ministère ; elle s’est, pour ainsi dire, faite d’elle-même. Elle a accepté le ministère que la couronne lui présentait, mais elle ne vient pas de lui ; elle ne se dissoudrait point, si le ministère se retirait. Tout ministère intelligent, capable, la retrouverait, à la seule condition d’être un ministère franchement conservateur.

Mais cette indépendance de la majorité vis-à-vis du cabinet, heureuse à certains égards, n’a pas été sans inconvéniens pour le pouvoir. La majorité a manqué souvent de discipline et de conduite. Ferme, compacte, docile dans les questions de gouvernement, dans les questions qui touchaient aux intérêts les plus chers aux conservateurs, elle a été plus d’une fois volontaire, incertaine dans les questions d’affaires. Elle paraissait alors vouloir s’emparer de l’administration du pays ; on aurait dit que les ministres n’étaient à ses yeux que les premiers commis de ses commissions ; elle a porté la main aux choses de détail les plus minutieuses et les moins dignes de fixer l’attention d’une législature. Ce fait est grave. Il donnerait, s’il se renouvelait, des habitudes qui ne seraient guère compatibles avec les principes de notre système administratif. Les affaires publiques s’en ressentiraient, car cette intervention, au lieu d’être une force, ne serait qu’une entrave. Après tout, cependant, il ne faudrait pas trop s’alarmer de ces faits. La chambre a été loin d’apporter aux questions d’affaires cette attention soutenue, cet esprit de suite, cette action persévérante, qui peuvent faire craindre un empiètement d’un pouvoir sur l’autre, un trouble dans la distribution des pouvoirs politiques. Ses excursions dans le domaine de l’administration n’étaient pas l’effet d’un système, l’application d’un principe ; elles n’étaient que des actes d’indépendance.

La chambre n’avait pas la prétention de gouverner ; elle voulait seulement faire sentir que nul ne la gouvernait. Elle a peu fait, mais elle a trop souvent empêché de faire. La session aura été fort longue, mais à peu près stérile. Les députés se retirent avec le sentiment de n’avoir pas suffisamment mis à profit le temps qu’ils ont consacré à la chose publique. Le pays doit remercier la chambre de l’attitude politique qu’elle a prise, mais il en attendait davantage pour l’expédition des affaires.

Le ministère, à son tour, n’est sans doute pas très content de lui-même et de la situation que la session lui a faite. Il a eu des succès, et rien ne paraît menacer son existence. Il n’est pas moins certain qu’après tout la seconde partie de la session l’a plutôt affaibli que fortifié. Il a été évident que les