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REVUE. — CHRONIQUE.

ment dans des voies démocratiques et radicales. L’intérêt politique de l’Angleterre est donc de chercher à s’attacher le clergé catholique, de le rallier à la loi en rendant la loi humaine et juste, et de le faire rentrer dans le sein de l’état en lui assurant une existence légale. Ici se présente la question du paiement du clergé catholique par l’état. La proposition en a été faite plusieurs fois, et à différentes époques, par les protestans politiques, mais elle a rencontré jusqu’à présent des obstacles insurmontables, et dans la résistance des protestans rigides, et dans le refus du clergé catholique lui-même. L’église anglicane, étant l’église de l’état, refuse au pouvoir politique le droit de reconnaître un autre culte que le sien, et d’admettre qu’il y ait deux sources de vérité. Le souverain étant le chef de l’église comme le chef de l’état, et exerçant le pouvoir spirituel en même temps que le pouvoir temporel, ne peut scinder la double nature de ses fonctions, et faire une distinction entre les membres de la communauté politique et les membres de la communauté religieuse. Tel est le principe maintenu par l’église établie. Cependant ce principe n’est déjà plus intact. Il y a été dérogé non-seulement, comme je l’ai dit plus haut, à l’égard de la religion presbytérienne d’Écosse, qui est reconnue comme religion de l’état, mais aussi à l’égard du culte catholique lui-même. Vous avez entendu parler du séminaire de Maynooth. Cet établissement date de 1795 ; il a été fondé par le gouvernement protestant pour l’éducation des prêtres catholiques, et aujourd’hui encore il est entretenu par une subvention que la chambre des communes vote chaque année. À l’époque de l’union législative, M. Pitt, qui comprenait l’importance de faire rentrer le clergé irlandais dans le cercle des institutions légales, avait formé le projet de reconnaître le culte catholique et de donner des salaires à ses ministres. Les évêques y avaient consenti, le pape avait donné son adhésion, mais le roi George III se refusa à toute concession, et sa détermination amena la retraite de M. Pitt. Il est à croire que, si une mesure de ce genre avait accompagné l’acte d’émancipation de 1829, une grande partie des troubles qui se sont succédé depuis ce temps en Irlande auraient été prévenus. Aujourd’hui, monsieur, il est trop tard.

Il est trop tard, parce que c’est le clergé catholique qui, à son tour, refuse un salaire. Depuis un quart de siècle, il a pris un caractère politique qu’il ne voudrait plus abdiquer aujourd’hui. Ce qui fait sa force, c’est qu’il partage tous les griefs, toutes les misères, toutes les souffrances du peuple ; c’est qu’il est, comme lui, opprimé par la loi. C’est cette communauté héréditaire et sacrée qui fait sa toute-puissance. Le jour où le prêtre catholique consentirait à renier sa part du fardeau, le jour où la loi cesserait de peser sur lui sans cesser de peser sur le peuple, ce jour-là il perdrait tout son pouvoir. Un prêtre payé par les Saxons ne serait plus le prêtre national.

On peut donc regarder comme certain que le clergé irlandais refuserait aujourd’hui de recevoir un traitement de l’état. En 1837, cette question fut soulevée, et les évêques catholiques déclarèrent unanimement leur résolution de ne dépendre que du peuple. Cette déclaration a été répétée plusieurs fois