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publique est formée, et qui ont pour elles l’appui des autorités constituées et de quelques hommes puissans. Les entreprises de ce genre sont rares, et quelle que soit leur importance particulière, elles sont, par leur rareté même, d’un intérêt secondaire pour le pays. Quant à la foule des entreprises de second ordre, ou plutôt dont l’utilité est moins apparente et ne peut souvent s’apprécier que sur les lieux, la forme de la société anonyme leur est de fait interdite. À bien plus forte raison cette forme devient-elle impraticable pour ces entreprises aventureuses dont nous parlions plus haut, et qui semblent la réclamer plus que toutes les autres ; car peut-on demander pour des opérations de ce genre l’approbation d’un conseil dont le contrôle a précisément pour objet avoué et reconnu de faire prévaloir en toutes choses la circonspection et la prudence ?

Avec de tels élémens, on comprend que l’association n’a pu faire de grands progrès en France, et que le commerce y doit être presque entièrement privé de ses bienfaits. En effet, jusqu’à ces dernières années où l’esprit d’association, pressé de se faire jour, a rompu les barrières de la loi, c’est à peine si l’aspect de la France pouvait donner une idée de ce qu’engendre l’union des forces commerciales. Aujourd’hui même, qu’est-ce que ces rares sociétés par actions répandues çà et là autour de nous ? En Angleterre, avec des conditions plus favorables, quoique trop rigoureuses encore, l’association s’est propagée depuis long-temps avec une bien autre puissance. Le nombre est incalculable des sociétés par actions que ce pays renferme ; l’imagination serait confondue de la masse des capitaux qu’elles représentent, et, avec la mesure de liberté dont elles jouissent, ces sociétés ont enfanté des merveilles. Il en est de même aux États-Unis. Sans compter les innombrables banques fondées par actions qui peuplent ce pays, chaque place importante de l’Union compte une foule d’associations de tous genres, dont quelques-unes sont gigantesques. Les moindres villes, les bourgs, les villages même, ont les leurs. Elles soutiennent l’industrie privée ; elles la secondent et l’animent, en même temps qu’elles la complètent. Toutes ensemble, soit qu’elles se renferment dans ce rôle de protectrices des établissemens particuliers, soit qu’elles s’attachent à des opérations d’une nature exceptionnelle, elles accroissent de leur activité et de leurs immenses ressources la puissance industrielle et la richesse du pays. À quelle distance ne sommes-nous pas de ce merveilleux développement !

IV.

En reconnaissant avec amertume notre infériorité à cet égard, beaucoup d’hommes, fort éclairés d’ailleurs, en ont conclu que l’association n’était pas dans nos mœurs, que le commerce français n’en avait pas l’instinct, qu’il en méconnaissait la puissance et n’en sentait pas le besoin. Étrange façon d’interpréter le génie d’un peuple ! Et sur ce fondement, ils se sont pris à gourmander les commerçans et à s’ériger en docteurs pour les instruire. Ne