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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/510

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REVUE DES DEUX MONDES.

bouffonne des antiques fêtes l’élément principal du drame satyrique, les satyres. Ces satyres avaient été primitivement introduits dans les chœurs dithyrambiques par Arion : une fois devenus la tragédie au moyen de certaines additions et de certains retranchemens, ces chœurs y furent ramenés soit par Thespis lui-même, soit par un de ses successeurs, Pratinas, qui fut contemporain et rival d’Eschyle. Pratinas était de Phlionte, ville à laquelle Phlias, fils de Bacchus, avait donné son nom ; il était du pays des Doriens, où avaient été institués par Arion, où s’étaient perpétués dans le dithyrambe, tragédie de l’ancien temps, les chœurs bouffons des satyres ; on conçoit que ce soit lui plutôt qu’un autre qui les ait restitués à la tragédie athénienne. De là ce qu’on a appelé le drame satyrique, drame de nature mixte, dans lequel paraissaient les personnages habituels de la tragédie, ses dieux et ses héros, avec la dignité de leurs mœurs et de leur langage, mais quelque peu compromis cependant, quelque peu rabaissés par la familiarité de l’intrigue, par le commerce de personnages d’ordre subalterne, quelquefois risiblement effrayans, centaures, cyclopes, brigands fameux, et autres, enfin par la pétulante gaieté d’un chœur de satyres, témoin consacré de ce genre d’actions.

Homère, dans quelques récits empreints à la fois de sérieux et d’enjouement, avait le premier mis sur la voie de ces pièces tragi-comiques, de ce genre qu’un ancien a appelé la tragédie en belle humeur[1]. Jusqu’où lui était-il permis de descendre ? Beaucoup plus bas assurément que ne le ferait supposer Horace quand il la représente s’essayant à la plaisanterie, sans trop oublier sa gravité, incolumi gravitate jocum tentavit, et, comme une dame romaine qui prend part modestement à la danse sacrée en un jour de fête, se mêlant, la rougeur sur le front, à la compagnie folâtre des satyres. Cette dignité, cette pudeur de Melpomène, étaient mises dans le drame satyrique des Grecs à de rudes épreuves, et ne s’en retiraient pas aussi intactes que semble le prétendre Horace. La muse s’y prêtait de bonne grace à des jeux dignes de la Thalie d’Aristophane, où rien, sauf peut-être les gros mots, inornata et dominantia nomina, n’était interdit, rien, la saleté, l’obscénité même. Nous ne le saurions pas par ce qui s’est conservé des traits les plus libres de ces saturnales dramatiques, que nous l’apprendrions d’Ovide, qui y a cherché une excuse pour la licence relativement plus discrète, et pourtant si rigoureusement punie, de ses vers :

  1. Demetrius Phalereus, de Elocutione.