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le congrès qui allait s’ouvrir. M. de Metternich écrivait dans ce sens, tout en protestant de son dévouement et surtout de son extrême franchise. D’un autre côté, Napoléon, croyant au désir que Marie-Louise avait dû lui témoigner de l’aller rejoindre à l’île d’Elbe, lui envoyait un officier, aujourd’hui général[1], chargé de l’y conduire, si elle eût voulu le suivre ; mais il repartit de Secherons, où elle était alors, sans avoir pu remplir sa mission. Tout au contraire, déjà docile aux inspirations de M. de Neipperg, elle s’était décidée, malgré toute sorte de répugnances, à se rendre à Vienne et à y demeurer pendant la durée du congrès.

Un tel voyage fait à loisir offrait de précieuses occasions à M. de Neipperg. Il les mit sans balancer à profit. Ce militaire éprouvé savait fort à propos être niaisement sentimental, et M. Meneval nous le révèle tout entier par un détail inappréciable. Les ruines du château d’été de Rodolphe de Hapsbourg se trouvaient à peu près sur le chemin de Marie-Louise. Le général, chargé de la rappeler aux séductions du pays natal et de lui faire oublier sa patrie adoptive, ne pouvait la dispenser d’une station au berceau de la monarchie autrichienne ; « il prit même acte, ajoute M. Meneval, de la trouvaille qu’il y fit d’un morceau de fer pour y reconnaître un fragment de la lance de Rodolphe. L’impératrice se prêta complaisamment à cette fiction. Des petits morceaux taillés de ce fer servirent de chatons à des bagues qu’elle fit faire à Vienne, et qu’elle donna au général Neipperg, à M. de Bausset et à moi, comme insignes d’un nouvel ordre de chevalerie. »

Ce n’est pas tout. Arrivée à Schœnbrunn, elle s’y tint d’abord renfermée comme il convenait à son rang et à son malheur. Mais le bruit d’une fête retentit autour d’elle : les souverains qui l’avaient détrônée assistaient à un grand bal dont la France payait les frais, et la curiosité d’y assister incognito poussa Marie-Louise au fond d’une sorte de logette, d’où elle pouvait se donner le plaisir de comparer la fête de sa ruine à la fête de ses noces, donnée dans le même palais quatre années auparavant.

Neipperg, cependant, s’attribuait le mérite et les droits d’un avocat plein d’ardeur et de zèle. La France et l’Espagne sollicitaient du congrès la rétractation des promesses faites à Marie-Louise. Le congrès même envisageait comme dangereuse la présence en Italie d’un gouvernement sur lequel Napoléon pourrait exercer une influence directe. Aussi voulait-on ôter Parme à l’impératrice, du moins ôter l’hérédité au roi de Rome, devenu prince de Parme. Ce dernier point seulement fut décidé contre Marie-Louise. Quant au maintien de la première condition, tout s’arrangea de manière à lui prouver que Neipperg seul l’avait obtenu par l’activité de ses démarches. Aussi, lorsqu’il fut question de rassembler une armée autrichienne en Italie pour y maintenir la neutralité contre la France qui semblait vouloir attaquer

  1. M. Meneval ne nomme pas cet officier, mais il le désigne assez clairement pour qu’on reconnaisse, à ne pas s’y tromper, le général Hurault de Sorbée.