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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/871

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REVUE LITTÉRAIRE.

Naples, le général Neipperg ayant été menacé d’un ordre de départ, l’impératrice ne craignit point d’aller solliciter en personne, afin qu’il restât à Vienne, et l’empereur François et M. de Metternich. Celui-ci dut accueillir d’un sourire étrange cette prière si conforme à ses secrets désirs.

La grande nouvelle de l’évasion du grand captif trouva Marie-Louise indifférente. Elle l’apprit au retour d’une promenade à cheval où Neipperg l’avait accompagnée, et ne laissa paraître aucune émotion. Le lendemain, elle sembla plus agitée. Un mot de son père lui avait prouvé qu’on songeait à la renvoyer en France, s’il était démontré que Napoléon eût repris avec le trône des idées plus pacifiques. Suivirent, pendant plusieurs jours, les faux bruits, les nouvelles contradictoires, qui tinrent Marie-Louise dans un état d’extrême agitation. Et néanmoins elle n’eut pas, même alors, une pensée de femme pour son époux, une pensée de mère pour son fils. Chaque jour changeait, sinon ses projets, — en avait-elle ? — du moins ses propos. Tantôt elle déclarait que jamais elle ne retournerait en France, tantôt, au contraire, qu’elle n’aurait pas de répugnance à reprendre la couronne impériale, « ayant toujours eu du goût pour les Français. » Bref, toutes ses incertitudes aboutirent à un acte inouï, que Neipperg lui avait dicté, n’en doutons pas : ce fut une déclaration qui la séparait à jamais de Napoléon, aux projets duquel elle affirmait n’avoir aucune part, et un recours formel à la protection des puissances alliées. Cette pièce portée au congrès fut en quelque sorte l’occasion du manifeste lancé le 13 mars, qui plaçait Napoléon Bonaparte hors des relations civiles et sociales. On le voit, Marie-Louise, en cette circonstance, eut le triste honneur de l’initiative ; et comme pour rendre sa conduite plus inexcusable, le jour même où elle oubliait ainsi ses devoirs et sa dignité, Napoléon, à peine entré dans Lyon, lui écrivait pour la rappeler auprès de lui.

Elle était déjà décidée à ne point le rejoindre. Du moins faut-il en augurer ainsi d’une conversation qu’elle eut avec M. Meneval. Le prétexte honorable d’une résolution qu’elle prenait alors d’elle-même, et sans y être contrainte par son père, fut que, n’ayant point partagé le désastre de son époux, elle ne devait pas profiter de sa prospérité renaissante, à laquelle d’aucune manière elle n’avait su contribuer. En faisant connaître cet entretien, M. Meneval ajoutait : « Voilà sa chimère d’aujourd’hui. » Moins indulgens ou moins crédules que lui, nous ne savons y voir qu’un dehors à peu près honnête donné à des penchans qui avaient cessé de l’être. À cette même époque, en effet, la correspondance la plus active était établie entre Marie-Louise et le général Neipperg. À cette même époque, elle retrouvait, malgré l’abattement qu’elle affectait parfois, toute l’énergie nécessaire aux démarches qui avaient pour but la conservation (sur sa tête, et non sur celle de son fils) des états de Parme et Plaisance.

Dans un dernier entretien avec son secrétaire, qui se disposait à quitter Vienne, ils échangèrent encore quelques mots sur ce pénible sujet. La détermination adoptée par Marie-Louise était si ferme et si personnelle, que,