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plus douces, et il faut ajouter, puisque l’homme a toujours les défauts de ses qualités, une paix qui les énerve peut-être et leur rend toute souffrance insupportable. Dites à ces peuples qu’il faut, pour je ne sais quelle querelle politique, courir aux armes, dépenser un milliard, peut-être aussi voir les routes enfoncées, les ponts brisés, les villes bloquées, le commerce menacé, l’industrie paralysée, et puis la stagnation des affaires, les faillites, la rente à vil prix, les capitaux compromis, et vous serez taxés de folie, si ce n’est de crime.

Quelles seront un jour les conséquences de cette nouvelle phase de l’humanité ? Ce n’est pas ici le lieu de l’examiner. Il y aurait long à en dire pour ceux qui ne se paient pas d’utopies, et qui, en jetant les yeux sur toutes les parties de l’Europe, reconnaissent que le portrait que nous venons d’esquisser, vrai en général pour tous les peuples compris dans la sphère de la civilisation européenne, ne l’est cependant pas également pour tous.

Quoi qu’il en soit, les patriotes italiens ne peuvent pas ne pas comprendre qu’aujourd’hui toute insurrection locale n’aboutirait qu’à de sanglantes représailles, à l’aide au besoin d’une incursion autrichienne. L’Autriche est au cœur du pays. Elle peut faire un coup de main, et rentrer dans ses frontières italiennes avant que les autres puissances aient été informées de l’évènement.

Les idées nouvelles, ce que les ennemis de ces idées appellent une révolte, et l’histoire une révolution, peuvent, selon les circonstances, pénétrer dans un pays par irruption ou par infiltration. Dans le premier cas, il y a révolution proprement dite ; dans le second, il y a également révolution, mais révolution lente et progressive. C’est un monde nouveau qui se forme par alluvion. L’action n’est pas rapide, mais le résultat est certain et plus solidement établi souvent que celui des révolutions violentes. Une révolution proprement dite est aujourd’hui impossible en Italie. La tenter serait une folie d’autant plus condamnable, qu’elle dérangerait et retarderait ce travail lent, mais progressif et certain, qui prépare un autre avenir à la péninsule. L’Italie est, si on peut s’exprimer ainsi, en contact moral avec la France, avec l’Angleterre, avec tous les pays ouverts aux idées nouvelles et qui en sont les propagateurs naturels. Les gouvernemens absolus commencent eux-mêmes à céder quelque peu à l’influence irrésistible du siècle, de l’opinion publique, des idées générales. Il faut bien qu’ils respirent dans l’atmosphère où ils se trouvent plongés. Pourquoi les exciter à retrouver leurs vieilles sévérités, à redoubler de vigilance ? Pourquoi donner des prétextes plausibles à leurs persécutions ?

Au reste, dans ce siècle si orgueilleux de ses lumières, il se passe, même dans les hautes régions, des faits on ne peut pas plus singuliers. On dirait qu’à cet égard catholiques et protestans ne veulent avoir rien à s’envier. L’inquisition pontificale a publié contre les juifs un édit qui nous ramène en plein moyen-âge. Un enfant juif ne peut pas avoir une nourrice chrétienne, et un chrétien ne doit pas avoir d’amitié pour un juif. Ces belles