Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/885

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
879
REVUE. — CHRONIQUE.

encore une Providence jusque dans les plus grands hasards littéraires, et me remit un peu. Et d’ailleurs, continuai-je en ouvrant ma fenêtre où entrait l’air frais du matin, le bon goût, évidemment, règne encore, et il régnera demain. Il n’y a plus de barbares possibles. On imprime de plus en plus, il est vrai, mais il ne se perdra rien de ce qu’on aura imprimé. Le pire qui nous puisse arriver, c’est que nous serons tous plus ou moins immortels, et, bien loin que quelques-uns d’un peu intéressans se perdent tout entiers, dignes et moins dignes nous vivrons tous avec part au soleil et presque ex æquo. Êtes-vous contens ?


Z.



— Les Études de M. Patin sur les Tragiques grecs sont enfin terminées ; le troisième volume, qui contient l’appréciation d’Euripide, vient de paraître[1]. Cet ouvrage comble une importante lacune dans la série de nos travaux sur l’antiquité. Nous n’avons ainsi rien à envier à l’Allemagne. Le sujet traité de l’autre côté du Rhin par Schlegel a trouvé parmi nous un spirituel et compétent historien. C’est assez pour qu’on accueille avec une attention sérieuse le livre de M. Patin. Quand le bel ouvrage de M. Magnin, sur les Origines du Théâtre, aura complètement paru, nous posséderons sur des époques également curieuses de l’histoire littéraire un ensemble d’études dignes d’être consultées. L’érudition française s’honore par de pareils travaux ; qu’elle cherche à rajeunir le monde antique sans recourir aux subtilités de la science allemande : c’est une voie féconde où elle peut s’engager avec assurance, car elle n’y perdra point ses efforts.


— La Russie a été souvent visitée depuis quelque temps, et dans la récolte des observations nouvelles sur ce grave et curieux sujet, la part de la France, il faut le dire, n’a pas été la moins piquante. Deux voyageurs ont donné sur la Russie des ouvrages intéressans à des titres divers : M. de Custine a publié la Russie en 1839[2] ; M. Marmier, des Lettres sur la Russie[3]. Le livre de M. de Custine a obtenu un incontestable succès de curiosité. En voyant l’accueil fait à ses renseignemens, l’auteur a pu se dire qu’il avait frappé juste. De telles révélations sur la politique russe devaient porter coup, et nous comprenons, après avoir lu M. de Custine, l’importance qu’attache le gouvernement moscovite à s’entourer de mystères. Ce n’est pas sous un aspect aussi sombre que M. Marmier a vu la Russie. Il a eu sans doute d’affligeans tableaux à tracer, mais souvent aussi il a montré la Russie sous des aspects dont la grace était nouvelle. On sait d’ailleurs ce qu’il y a de bienveillance et

  1. Chez Hachette, 12, rue Pierre-Sarrazin.
  2. Quatre volumes in-8o, chez Amyot, rue de la Paix.
  3. Deux volumes in-18, chez Delloye, place de la Bourse.