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FERNAND.

simulai aucun détail. Je dis dans quelles dispositions je m’étais enfui de Paris, que j’étais las des orages de la passion moins encore que de la vie de ruses et de fourberies qu’elle traîne à sa suite. Je contai ce que j’avais souffert en la quittant, les combats que j’avais soutenus avant de me décider à déchirer son cœur ; comment j’avais retrouvé Mlle de Mondeberre ; qu’elle m’était en effet apparue comme un lointain espoir ; mes remords cependant et mes hésitations toutes les fois qu’il s’était agi de rompre l’anneau qui me retenait au passé ; la lutte des regrets et des espérances ; la crainte de réduire au désespoir une tendresse que je me sentais dévouée ; toutes mes faiblesses, toutes mes terreurs, toutes mes lâchetés, je dis tout, et enfin par quelle fatalité la lettre de rupture que j’avais écrite n’était arrivée qu’après le départ d’Arabelle. Ô mon ami, que le cœur de l’homme est quelque chose de misérable ! Tandis que je parlais, près de cette femme qui allait mourir, j’étais, à mon insu, préoccupé de l’arrangement de mes phrases ; je calculais, sans m’en rendre compte, les effets de mon discours ; je trouvais, sans y songer, je ne sais quel charme de rhéteur dans le développement et dans l’analyse de mes sentimens ! Quand j’eus tout dit :

— Vous savez le reste, ajoutai-je ; voici maintenant ce que je vous propose. Je n’ai pas attendu jusqu’à cette heure pour immoler en moi tout ce qui n’est pas vous. Je vous offre d’essayer d’une nouvelle vie, et de tendre, d’un commun effort, sinon vers le bonheur, du moins vers la guérison et l’apaisement de nos ames. Nous avons beaucoup souffert, nous souffrirons encore beaucoup ; mais peut-être arriverons-nous, à force d’aide mutuelle, à ne plus regarder que comme un rêve affreux le souvenir de tant de mauvais jours.

— Je te comprends, malheureux ! s’écria-t-elle en éclatant, ce n’est pas ma mort que tu redoutes ; tu la veux, tu l’appelles, tu la demandes à Dieu ; mais, lâche que tu es, tu n’as pas le courage de m’assassiner. Tu voudrais t’y prendre de façon que je te bénisse en mourant, et pouvoir ensuite te vanter de tes sacrifices. Tu t’arrangerais volontiers des profits du meurtre, à la condition d’échapper au remords qui le suit. C’est ainsi que tu nous as tous perdus avec ton indigne faiblesse ! Je te connais enfin, mais as-tu pu croire un instant que j’accepterais la tâche que tu me proposes ? as-tu pensé que je consentirais à devenir sciemment la complice de tes trahisons, de tes parjures et de tes infamies ? Va ! tu me ferais horreur, si tu ne me faisais pitié.

Elle retomba épuisée sur son lit, et moi, le visage caché entre