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LA VIE ET LES ÉCRITS DE VANINI.

tumée, n’auroit prononcé contre luy que des peines canoniques, lui faisant faire au plus amende honorable. Mais le parlement saisy et le procès instruit par M. Catel, conseiller, n’y eust plus moyen de le sauver, d’autant plus qu’en maints interrogatoires il dévoila toute la méchanceté de son ame. Bien est-il vray que, respondant à l’accusation d’athéisme, en ramassant une paille au bas de la sellette, il fit sur l’existence de ce fétu une oraison fort belle, démontrant ainsi l’existence de Dieu, et l’ay entendu certes avec un haut contentement ; et aussi les membres de la cour l’auroient mis hors, en le chassant toutefois du royaume, sans le zèle, qui fut alors blasmé par aucuns, de M. le conseiller Catel, qui, malgré ce beau discours, obtint la condamnation du dict Lucilio. »

Voici encore une autre pièce inédite, et curieuse par un autre endroit. L’administration municipale de la ville de Toulouse, le Capitoul ne pouvait rester étranger à l’affaire de Vanini. Ce fut le parlement qui le jugea ; mais ce fut la ville qui l’arrêta et le garda quelques jours avant de le remettre aux mains du parlement ; et quand il fut condamné, l’exécution de la sentence appartenait à la ville. La municipalité de Toulouse, qui tenait registre de tous ses actes, a consigné par écrit, en une sorte de procès-verbal, ce qu’elle fit en cette occasion. Ce procès-verbal a été conservé et se trouve encore dans les archives du Capitole[1]. Il ne fait mention que de détails matériels, mais ces détails même ont leur importance. Ainsi on trouve un signalement complet, et le seul authentique, de la personne de Vanini, son âge, les noms qu’il se donnait, enfin l’indication précise du crime pour lequel il fut recherché, et ce crime est bien l’athéisme.

« … Le jeudi, second jour du mois d’aoust, sur l’advis qui fut donné aux dits sieurs capitouls, fut prins dans la maison des héritiers de feu Monhalles au capitoulat de Daurade, et fait prisonnier par les sieurs d’Olivier et Virazel capitouls, et conduit à la maison de ville, un jeune homme soy-disant aagé de trente-quatre ans, natif de Naples en Italie, se faisant nommer Pomponio Usciglio, accusé d’enseigner l’athéisme, duquel ils étoient en queste depuis plus d’un mois. On disoit qu’il estoit venu en France à desseing de tenir cette abominable doctrine. C’estoit un homme d’assez bonne façon, un peu maigre, le poil chastaing, le nez long et courbé, les yeux brillants et aucunement agars, grande taille. Quant à l’esprit, il vouloit paroistre savant en la philosophie, et médecine qui estoit l’office qu’il se disoit professer. Il faisoit le théologien, mais meschant et détestable s’il en fut oncques ; il parloit bien latin, et avec une grande facilité ; néanmoins tresment ignorant parmi les doctes en toutes les dites sciences. Et comme la parole descouvre le cœur

  1. Je dois encore la copie de cette pièce à M. Franck.