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ensuite vers la mer du Sud. Sur les 13 kilomètres attenant au lac, il n’y aurait qu’une écluse rachetant une pente de 2 mètres 97 centimètres ; puis sur un intervalle de 1,600 mètres, il faudrait cinq ou six écluses, afin de racheter une chute de 19 mètres 52 centimètres. On serait alors au point le plus élevé du canal. Ce point de partage occuperait un espace de 4,800 mètres dont les deux tiers seraient en tranchée profonde, le reste en souterrain. De là jusqu’à la mer du sud, il n’y aurait plus que 4,800 mètres, espace sur lequel seraient distribuées les écluses réclamées par la pente de 61 mètres qu’il faudrait racheter. Le travail de M. Bailey et celui de don Manuel Galisteo s’accordent donc pour attester qu’en faisant intervenir un souterrain, le canal est tout-à-fait praticable, et même que l’épaisseur de la crête ne présente à l’exécution d’un souterrain aucune difficulté qui surpasse celles dont on est habitué à triompher.

Ainsi, d’après le projet publié par M. Stephens, le canal s’élèverait, par des écluses successives, à 22 mètres 9 centimètres au-dessus du lac, afin d’aller chercher dans le terrain un point où la crête à couper par un souterrain soit fort peu épaisse. Mais il faudrait qu’à cette hauteur on trouvât une quantité d’eau suffisante pour subvenir aux besoins du canal. Si l’on voulait que le canal tirât ses eaux du lac lui-même, ce qui probablement serait indispensable, car rien dans l’exposé de M. Stephens n’indique à quelles autres sources on pourrait puiser, le souterrain, placé au niveau du lac, rencontrerait la crête en un point où elle serait beaucoup plus épaisse, et, au lieu de 1,600 mètres, il devrait en avoir 5,790. L’art européen en est venu à ne pas s’effrayer de travaux pareils. Sur le canal de la Marne au Rhin, à Mauvage, il y a un souterrain de près de 5,000 mètres ; le grand souterrain du canal de Saint-Quentin, celui de Riqueval, a 5,677 mètres. Le souterrain du point de partage sur le canal de la Chesapeake à l’Ohio, en Amérique, aura 6,509 mètres. Celui de Pouilly, sur le canal de Bourgogne, a 3,333 mètres. Les canaux anglais offrent plusieurs souterrains de 2000 à 4,000 mètres. Sur les chemins de fer anglais, on en rencontre de 4,800 mètres (chemin de fer de Sheffield à Manchester) et de 2,800 mètres (chemin de fer de Londres à Birmingham)[1] ; le chemin de fer de

    Allen, habile ingénieur des États-Unis, auquel M. Stephens communique ses notes. Peut-être M. Bailey, d’après les connaissances qu’il avait des lieux, particulièrement sous le rapport des eaux à employer, l’eût-il tracé fort différemment.

  1. Voir pour les dimensions des souterrains de plusieurs canaux ou chemins de fer le Cours de Construction de M. Minard p. 303.